Lutte contre la loi Taubira : fondements, colères et espoirs

par Thibaut de Chassey (août 2013)

Le passage de la loi Taubira, légalisant les unions contre-nature, est un bouleversement juridique et social majeur.
Mais il n’a pas surgi spontanément, de nulle part.
Et même s’il est vrai que le gouvernement socialiste a méprisé le peuple au long de son marathon législatif, il ne faut pas se leurrer : la majorité de la population française, aujourd’hui encore frileuse, avalisera cette évolution au fil des ans car elle en partage les fondements philosophiques, moraux et politiques.

En l’occurrence, la loi a devancé l’évolution des mœurs (au lieu de s’y adapter, comme les « modernes » le voulaient jusqu’alors, et fallacieusement). Mais elle l’a devancée de peu… Il faut par ailleurs bien garder en tête qu’il ne s’agit que d’une étape.

Une attaque, parmi d’autres

Ce violent assaut contre cette institution naturelle qu’est la famille, par la tentative de dénaturation du mariage, est à replacer dans le contexte d’une offensive générale et radicale contre l’ordre naturel et surnaturel des choses (mouvement que l’on nomme traditionnellement « Révolution », avec une majuscule).

Après avoir largement détruit la civilisation chrétienne et l’ordre social traditionnel, après s’en être pris aux métiers et avoir livré les travailleurs au Capital, dissous les identités régionales, vaincu les indépendances nationales, la Révolution voyait la famille comme un bastion dont le tour était venu.
Celui-ci n’aurait pu être si aisément submergé s’il n’avait pas été affaibli par un travail de sape lent et minutieux.

Le cas du prétendu (et impossible) « mariage » « homosexuel » est ainsi à replacer dans un contexte large.

Les idées ont une logique

Les idées ne surgissent pas spontanément. Une idée en entraîne une autre.
Celle selon laquelle les invertis auraient un « droit » à singer une institution fondée sur le couple homme/femme est le dernier — mais pas l’ultime, hélas — développement de l’idéologie libérale(1)Nous entendons par idéologie libérale cette volonté d’émanciper l’homme de tout enracinement naturel et de tout ordre, notamment moral, qu’il n’aurait pas choisi lui-même librement. qui progresse continûment depuis quelques siècles et qui trouve peu de résistance(2)surtout depuis que l’Église est entrée dans la crise moderniste. face à une expansion visant l’hégémonie.

Celle-ci se conjugue en l’espèce avec l’idéologie « du genre », qui elle-même s’appuie sur le mythe de l’humain androgyne.
Cette conception bisexuée de l’homme est promue depuis quelques temps par des « intellectuels », juifs pour beaucoup et dont Freud ne fut pas le moindre.(3)« L’homme est un animal doué d’une disposition non équivoque à la bisexualité. L’individu correspond à une fusion de deux moitiés symétriques dont l’une est purement masculine et l’autre féminine » ; Freud, in Malaise dans la civilisation, 1929.
« En vérité, nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués… L’épanouissement de l’individu passe par la reconnaissance de sa bisexualité… L’idéal est d’accoucher d’un être humain uni-sexué » ; Elisabeth Badinter, in L’Un est l’autre, 1986. « La bisexualité originaire est de retour, balayant sur son passage l’inégalité […] » ; Yolande Cohen, Femmes et contre-pouvoirs.
En réalité, il s’agit d’un thème très ancien, récurrent dans les pensées kabbalistique et gnostique, ou par exemple dans le discours d’Aristophane.

Appuyé sur l’orgueil humain et la flatterie de nos instincts les moins nobles, le libéralisme égalitariste, derrière des prétentions libertaires, cache une nature tyrannique qui ne souffre aucune contestation. Toujours le mot « tolérance » aux lèvres, il ne supporte ni la contradiction, ni qu’on lui échappe.

Or, il est vain de vouloir combattre un phénomène sans même s’intéresser à ses origines. Ce à quoi nous assistons actuellement est la conséquence logique d’idées et de changements de mentalité successifs qui ont été malheureusement avalisés par de nombreux opposants à la loi Taubira ; notamment ceux qui se réclament sincèrement de la République, dont le libéralisme et l’égalitarisme sont des fondements officiels.
« En dessous » des idées,  si l’on peut dire, on trouve des hommes et des structures pour les mettre en œuvre, pour les servir. Il n’est pas nécessaire d’étudier pendant des années pour s’apercevoir que ce combat de longue haleine contre le mariage, la famille et les bonnes mœurs en général est au cœur de l’action de la franc-maçonnerie.

Le détournement de la colère

Il est encore trop tôt, à l’heure où ces lignes sont écrites, pour dresser un bilan de la formidable mobilisation qu’a suscitée le projet socialiste, mais elle est historique par son ampleur, par sa persistance et par la détermination des participants. C’est un vrai motif de réjouissance que de voir cette foule, et notamment cette jeunesse, monter au créneau — souvent pour la première fois —, avec un enthousiasme qu’on osait à peine espérer dans notre société d’égoïsme et de résignation.

Bien sûr, il ne faut pas se leurrer quant à la radicalité de la plus grande partie des manifestants, quant à leur volonté d’aller au bout du raisonnement qui s’impose, quant à leur capacité à remettre en cause le Système dans son ensemble. La plupart d’entre eux sont et veulent rester régimistes. Mais il suffirait que ne serait-ce qu’un pour cent du million de manifestants du 24 mars 2013 ait une prise de conscience aboutissant sur un engagement politique radical (au meilleur sens du terme) pour que les choses changent…

Évidemment, on regrettera que ce sursaut populaire ait été mis sous l’autorité de la mal prénommée mais bien nommée « Frigide Barjot », qui a mené la contestation dans le mur, et les manifestants dans les bras de l’UMP.  La colère sur les plateaux télé, réelle ou feinte, a toujours laissé place, concrètement,  à un légalisme forcené. Or, quand il s’agit de mener un bras de fer avec le pouvoir, si l’objectif est vraiment de le faire reculer, cela ne passe pas par des apologies incessantes du « pacifisme », ni par des airs de boîtes de nuit qu’on donne à des défilés de protestation. On ne gagne pas non plus l’aide de Dieu — au contraire — en essayant de cacher à tout prix que l’on est catholique, ce qui ne dupe au demeurant personne, ni les médias, ni le gouvernement.

La vérité est que cent mille personnes vraiment en colère dans la rue ont plus d’effet sur le pouvoir qu’un million de fêtards tout de rose vêtus.
[…] Il ne s’agit pas ici d’inciter à la violence, mais simplement de rappeler que l’on n’a aucune chance de gagner un rapport de force en commençant par expliquer que l’adversaire n’a rien à craindre.
Surtout quand en face, on a un gouvernement autiste, idéologique au point d’en être fanatique.

Non seulement l’énergie colossale qui a été mise en œuvre pendant l’année 2012-2013 n’aura pu atteindre son objectif premier, mais elle risque de dégoûter un certain nombre de Français de « l’action politique », les poussant dans une résignation somme toute confortable, tandis que d’autres tomberont dans le piège UMPiste.(4)Des personnalités de l’UMP ayant été largement mises en avant, pour appeler clairement et sans rougir à voter pour elles en 2017, expliquant que si leur parti l’emportait, s’en serait fini de cette loi. C’est bien évidemment mensonger, la « droite » validant systématiquement les mauvaises réformes de la « gauche » (nous l’avons vu récemment avec le PACS par exemple), quand elle ne les devance pas carrément (avortement, immigration, théorie du genre à l’école, etc.)
Par ailleurs, il s’agit de ne pas oublier que l’opposition droite/gauche n’est que de façade, et que derrière le théâtre démocratique, on se retrouve dans les mêmes loges maçonniques ou au restaurant avec les mêmes grands patrons.
Pis, les discours et les mots d’ordre ont constitué un formidable recul dialectique et rhétorique, avec d’incessantes apologies de la République, ou carrément de l’homosexualité elle-même.
Or, contrairement à ce que disent (sincèrement ou par peur des médias) les meneurs des grandes manifestations, le fond du problème, c’est aussi que les actes homosexuels sont foncièrement mauvais et n’ont en aucune façon à être légitimés socialement.
Bien sûr, si les meneurs en question n’avaient pas été si complaisants envers le Système et l’homosexualité, s’ils n’avaient pas eu pour souci principal de plaire à des médias qui sont radicalement des ennemis, un certain nombre de bons bourgeois n’auraient pas osé fouler le pavé.

Remettre en perspective la loi Taubira, c’est aussi garder à l’esprit qu’elle est un fruit pourri de la République et de son idéologie, et qu’elle va de pair avec le rouleau-compresseur du mondialisme. On n’a pas beaucoup entendu parler, durant les nombreux débats, du fait que la calamiteuse Union européenne , marche-pied de l’État mondial, nous imposait de légiférer sur le mariage (voir encadré ci-dessous). Ainsi, restaurer les bases de la civilisation et de la morale publique ne saurait se faire sans une rupture radicale avec l’européisme.
Tout est lié : le Système est un tout relativement cohérent, et de même que « la Révolution est un bloc » comme le disait pertinemment le connaisseur Clémenceau, la Contre-révolution sera un bloc.
Il faut aussi voir les côtés positifs de ces mois d’agitation.
De nombreux conservateurs ont été piqués au vif par la loi Taubira et par les méthodes du gouvernement, qui  n’a d’autre réaction que la violence, comme en témoignent les exactions commises par les forces de l’ordre, ou l’usage arbitraire des moyens judiciaires. Il faut que leur indignation persiste et qu’elle débouche sur un véritable engagement politique, en rupture avec le Système, ses codes, ses artifices. Il faut passer du conservatisme à la (contre-)révolution !

Espérons que les jets de gaz lacrymogène et les coups de matraque, ainsi que les centaines de garde à vue, auront au moins servi à réveiller des « droitards » ou de jeunes Français venus de nulle part, endormis devant le « jeu démocratique » comme d’autres s’assoupissent devant leur télévision.
Aidons-les à franchir le pas de la dissidence et à saisir les véritables implications et enjeux que soulève le bouleversement législatif en cours.

Demain ?

Il est important que tout le monde comprenne bien que face à l’extrémisme d’un gouvernement méprisant le peuple, aux ordres d’un petit lobby, et fort uniquement de ses médias et de ses matraques, l’heure n’est plus au compromis ni à la mollesse.
Cette victoire des socialistes ne sera malheureusement pas le fond du trou mais augure d’autres projets encore plus fous, et donc d’autres combats.

Nous attirons par exemple l’attention du lecteur sur le fait que les mariages religieux, s’ils sont actuellement épargnés par les politiques, seront demain dans la ligne de mire pour cause de « discrimination au motif de l’orientation sexuelle ». Il est dans la logique des choses que le gouvernement veuille un jour obliger les prêtres à accepter de célébrer des cérémonies pour des duos d’invertis, comme on en parle déjà en Angleterre pour les Anglicans. Et les progrès de « la tolérance » vont s’accompagner d’une répression plus forte, voire de persécutions contre les réfractaires. Paradoxal mais vérifié par deux cent vingt ans d’histoire.

On peut se dire que cela n’est pas pour demain, mais qui imaginait, il y a dix ans, qu’une décennie nous séparait de cette honte qui vient de frapper la France ?
Le concept d’ « accélération de l’histoire »(5)La société change, et de plus en plus vite. Il n’y a pas longtemps, elle changeait davantage en quelques décennies qu’autrefois en plusieurs siècles, et ce qui prenait hier des décennies ne prend aujourd’hui que quelques années. se fait cruellement sentir et demain nous aurons affaire, si rien ne change, à des horreurs que nous ne pouvons concevoir actuellement.
Raison de plus pour s’engager généreusement et intelligemment, sans plus attendre, dans les combats politiques et sociaux défensifs et offensifs qui s’imposent.

Beaucoup de nos compatriotes ont fait ces derniers mois un pas dans une bonne direction :
à nous de les prendre par la main pour les mener sur le chemin de la Vérité, qui sera aussi, si Dieu le veut, le chemin de la victoire !

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Annexe 1 :
L’Union européenne contre le mariage

Quelle est la position de l’instance qui est à l’origine de 80 % des lois françaises ?

Elle est un acteur méconnu mais très actif du projet de destruction du mariage.

En effet plusieurs résolutions du Parlement européen demandent aux États membres de mettre en place une législation pour en finir avec les « discriminations » à l’égard des « couples homosexuels » en termes d’union, de mariage civils (en attendant le mariage religieux) ou d’accès à l’adoption et à la parentalité.

–  Par la résolution du 8 février 1994, le Parlement européen demande clairement aux États membres de mettre fin à « l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes », recommande de « leur garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement des partenariats » et de supprimer « toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d’être parents ou bien d’adopter ou d’élever des enfants ».

–  Dans la résolution votée le 5 juillet 2001, le Parlement européen recommande aux États membres de l’Union européenne « la modification de leur législation dans le sens d’une reconnaissance des relations non maritales entre personnes du même sexe ou de sexes différents et l’attribution de droits égaux à ces personnes » ainsi que « l’inscription à l’ordre du jour de l’Union européenne de la question de la reconnaissance mutuelle des relations non maritales reconnues légalement ».

–  Dans un rapport publié fin 2002, le Parlement recommande « de reconnaître les relations non maritales, tant entre personnes de sexe différent qu’entre personnes du même sexe, et d’associer à ce type de relations des droits égaux à ceux qui découlent du mariage, tout en inscrivant à l’agenda politique la reconnaissance mutuelle des relations non maritales et du mariage entre personnes du même sexe ».

–  Dans une résolution de 2003, le Parlement européen réitère sa demande « d’abolir toute forme de discrimination — législatives ou de facto — dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ».

ANNEXE 2 :
Ce qu’en disait le Larousse en 1985…

Il est intéressant de voir à quoi ressemblait une définition médicale de l’« homosexualité » il y a encore quelques années.
Voici ce qu’en disait le Dictionnaire de la médecine, Larousse de poche, édition de 1985 (nous soulignons le passage le plus éloquent) :

« homosexualité n. f. Comportement lié à l’appétence pour l’individu du même sexe  (Fay).
L’homosexualité est essentiellement due à des facteurs psychologiques et sociaux plutôt qu’à des facteurs biologiques. Chez l’adulte, à côté des conduites homosexuelles occasionnelles dues à l’absence de partenaires du sexe opposé, il existe des comportements homosexuels sous-tendus par des préoccupations sociales ou philosophiques (Grèce antique).  […]
L’homosexualité masculine se manifeste par la pédérastie […]. L’homosexualité féminine (lesbianisme) est plus discrète et plus stable. Chez l’adolescent, l’homosexualité peut n’être que l’aspect adopté par une ambivalence sexuelle passagère.
Le traitement – essentiellement psychothérapique – ne peut intervenir et n’a de chance de succès que chez le névrosé culpabilisé qui le sollicite. »

On se rend compte du chemin parcouru dans les mentalités en quelques décennies à peine !
Et l’on ne peut qu’être effaré de la façon dont la science a reculé et jeté aux oubliettes les connaissances acquises, dans le but de ne pas froisser les lobbies et idéologies en vogue…
L’obscurantisme est bien là !

TIRÉ DE L’Héritage n°9 :


Notes   [ + ]

1. Nous entendons par idéologie libérale cette volonté d’émanciper l’homme de tout enracinement naturel et de tout ordre, notamment moral, qu’il n’aurait pas choisi lui-même librement.
2. surtout depuis que l’Église est entrée dans la crise moderniste.
3. « L’homme est un animal doué d’une disposition non équivoque à la bisexualité. L’individu correspond à une fusion de deux moitiés symétriques dont l’une est purement masculine et l’autre féminine » ; Freud, in Malaise dans la civilisation, 1929.
« En vérité, nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués… L’épanouissement de l’individu passe par la reconnaissance de sa bisexualité… L’idéal est d’accoucher d’un être humain uni-sexué » ; Elisabeth Badinter, in L’Un est l’autre, 1986. « La bisexualité originaire est de retour, balayant sur son passage l’inégalité […] » ; Yolande Cohen, Femmes et contre-pouvoirs.
4. Des personnalités de l’UMP ayant été largement mises en avant, pour appeler clairement et sans rougir à voter pour elles en 2017, expliquant que si leur parti l’emportait, s’en serait fini de cette loi. C’est bien évidemment mensonger, la « droite » validant systématiquement les mauvaises réformes de la « gauche » (nous l’avons vu récemment avec le PACS par exemple), quand elle ne les devance pas carrément (avortement, immigration, théorie du genre à l’école, etc.)
Par ailleurs, il s’agit de ne pas oublier que l’opposition droite/gauche n’est que de façade, et que derrière le théâtre démocratique, on se retrouve dans les mêmes loges maçonniques ou au restaurant avec les mêmes grands patrons.
5. La société change, et de plus en plus vite. Il n’y a pas longtemps, elle changeait davantage en quelques décennies qu’autrefois en plusieurs siècles, et ce qui prenait hier des décennies ne prend aujourd’hui que quelques années.

Sainte Jeanne d’Arc, modèle de sainteté politique

par l’abbé Bruno Schaeffer

L’histoire et la mission de Sainte Jeanne d’Arc comportent tous les éléments éclairant notre combat politique, elles suivent l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, les croisant dans la devise célèbre de notre héroïne nationale : « Messire Dieu premier servi ».

Cet ordre, c’est d’abord la naissance dans une famille chrétienne, dans l’éducation maternelle, avec l’appui d’une paroisse chrétienne, de la doctrine et des sacrements. Tel est l’ordre établi par Dieu, dans sa création et dans sa grâce.

Le deuxième miracle, si l’on peut dire, c’est le recours aux institutions légitimes de la nation française, la monarchie avec sa loi de succession, son caractère surnaturel  continué dans le sacre.  Enfin le prix de cette restauration de l’ordre temporel, c’est le sacrifice rédempteur de Jeanne, l’amour de Dieu l’emporte définitivement sur l’amour d’elle-même dans les flammes du bûcher de Rouen.

Nous pouvons être fiers et disciples de notre héroïne nationale, nous avons à apprendre d’elle la sainteté, elle éclate dans la limpidité d’une âme aimant Dieu sans retour sur elle-même dans l’obéissance et la docilité jusqu’à la fin de sa vie. Elle est l’instrument dans les mains de Dieu pour le salut de la France occupée par les Anglais, réduite à l’autorité d’un Dauphin en déroute et doutant de lui-même. La réponse vient d’un cœur de vingt ans résolu de tout souffrir pour accomplir la tâche assignée à sa faiblesse par le Bon Dieu. Son audace et son courage, Jeanne les puisent dans un renoncement à toutes les choses terrestres, dans son attachement à Dieu seul : « Je m’en remets de tout à Dieu pour créateur, dira-t-elle à ses juges, je l’aime de tout mon cœur, je m’en remets à mon juge, c’est le roi du ciel et de la terre ». Elle-même dans ses paroles définit sa sainteté. Don total de Jeanne parce qu’elle a entendu dans son coeur et sur son pays souffler la voix de Dieu.

En ce XVe siècle troublé, Dieu voulait une vierge inspirée pour redresser les voies de la Chrétienté en péril. Il se choisit une petite paysanne pour triompher au mépris des diplomates, des savants et des grands de ce monde. La marque divine est assurée. Une jeune paysanne de dix-sept ans pouvait-elle sans la volonté d’en haut affronter les hommes de guerre et ceux du pouvoir ?  Traverserles combats et les bandes de pillards, aller sur les grands chemins, les rivières, forcer les ponts-levis et aller jusqu’au Roi ? Combattante, elle se jette sur les bastides anglaises, elle entraîne les hommes d’armes pourris par les cantonnements des arrières. Elle renverse les intrigues, les inerties, les trahisons pour conduire à Reims un pauvre prince et en faire un roi. Puis, à 19 ans, elle se retrouve en prison les fers aux pieds, privée de la Sainte Eucharistie, un an de cachot, trois mois de procès, puis ce supplice l’horrifiant,  le feu où elle va mourir, s’écriant entre deux invocations du nom de Jésus « Mes voix étaient bien de Dieu ». Elle persiste jusque dans la mort par le témoignage de sa foi.

Telle est l’épopée de Jeanne, ses victoires, sa prison et sa mort. Le lien entre l’obéissance et la charité resplendit dans sa docilité et son humilité. « Sans la grâce de Dieu, déclare-t-elle, je ne saurais rien faire, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par commandement de Notre-Seigneur ». Nous découvrirons ensemble Jeanne comme modèle de perfection chrétienne et comme sainte politique.

Jeanne, modèle de perfection chrétienne

Dieu est à l’œuvre. Jeanne a 12 ans, elle garde les troupeaux familiaux. Une voix du ciel l’avertit : « Jeanne, tu es celle que le Roi du Ciel a choisi pour le relèvement du Royaume de France. Le Roi du Ciel l’ordonne et le veut, la volonté qui s’accomplit dans le ciel, s’accomplira sur la terre ». Il en résulte chez Jeanne une plus grande piété prouvant que le ciel lui donne son éducation spirituelle. De Saint Michel, elle apprend la grande pitié du Royaume de France, en même temps elle reçoit une préparation aux objectifs politiques et militaires. Si bien que lorsque vient le moment de partir, elle ne s’étonne de rien, elle sait comme elle doit agir dans les conseils politiques comme sur les champs de batailles. « Je suis née pour cela », elle l’affirme : « Il faut que j’aille vers le Gentil Dauphin, c’est la volonté du Seigneur, le roi du ciel, que j’aille vers lui, dussé-je m’user les jambes jusqu’aux genoux ». A l’heure du départ, elle dit clairement à Jean de Metz : « Il n’est personne au monde, ni roi, ni duc, ni fille du roi d’Ecosse, ni autres qui puissent secourir le royaume de France. Il n’y a de secours à espérer que de moi ».

Sa mission politique lui est dictée d’en haut, elle la reçoit dans l’humilité, la Providence indique tout. Les obstacles ne l’effrayent point. « Quand j’eusse eu cent pères et cent mères et que je fusse fille de Roi, je serai partie ». Elle en témoigne lors au procès car « mes dits et mes faits sont de la part de Dieu ». Dans cette soumission à la volonté divine, elle puise la force de passer outre aux tendresses familiales. Pour suivre ses voix, elle s’arrache aux siens « Va, fille de France ». Elle va, passant outre les dires des juristes, des conseillers et des politiciens à l’affût des trêves, « Vous avez été à votre conseil, leur rétorque-t-elle, j’ai été au mien qui vaut mieux que le vôtre ». Il lui faudra parler devant les grands, ne rien céder à l’opposition des puissants, à l’inertie du Roi. Elle affronte les autorités prêtes aux compromis, elle menace le roi étranger, remonte le moral des populations abattues et impose à l’armée le respect de Dieu.

La foi de Jeanne emporte tout, communicative elle devient irrésistible. Elle a parfaitement compris que c’est le péché mortel qui fait perdre les batailles. Aux hommes d’armes déjà surpris d’avoir à s’enrôler sous la bannière d’une jeune fille, elle impose « qu’ils se missent en état d’entrer en la grâce de Dieu et que s’ils sont en bon état avec l’aide de Dieu, ils obtiendront la victoire ». La veille du grand combat d’Orléans, elle fit publier que « nul n’alla le lendemain à l’assaut s’en s’être présenté à confesse ». Aussitôt, la victoire remportée, elle envoie son chapelain « avertir publiquement tous les hommes d’armes de confesser leurs péchés et de rendre grâce à Dieu de leur victoire. Sans quoi, elle ne resterait pas parmi eux, et les laisserait là ». Devant Paris, c’est la retraite imbécile, « la ville eut été prise » soutient Jeanne mais l’archevêque de Reims est là, il prêche la modération : « Composons, composons, la paix, la paix ». Le lendemain, Jeanne sentant la trahison, sa mission change de forme. Ses ennemis la disent sorcière, la volonté royale s’embrouille dans les compositions diplomatiques. Sous les remparts de Melun, une voix lui souffle « Il faut que tu sois prise ».
Dans la perspective du procès devenu le mémorial de ses victoires et de sa passion, le témoignage de cette charité supérieure suprême où la vie s’offre à l’exemple du Christ au calvaire.

Elle sera brûlée vive pour n’avoir pas voulu renier cette mission surnaturelle dans le temps. Cette jeune fille sans instruction va tout de même tenir tête à cinquante huit juges. Elle triomphe des pièges des théologiens, des canonistes. L’un de ses juges s’en aperçut « Je pense que ce n’est pas elle qui parlait, mais qu’en elle parlait l’Esprit ». Elle admoneste vivement Cauchon : « Evêque, vous dites que vous êtes bon juge, prenez garde à ce que vous faites, car en vérité je suis envoyée de Dieu et vous vous mettez en grand danger ». Au moment de partir au bûcher, elle s’écrie à nouveau : « Si je ne disais que Dieu m’a envoyé, je me damnerai, Dieu aidant, j’espère aller en paradis ».

Telle est l’âme de Jeanne, en elle retentit le Fiat de la Sainte Vierge, tout y est relatif à Dieu.

Jeanne, Sainte politique

Dieu a fait d’elle la grande sainte de la charité politique, pour appeler à sa suite toutes nos nations à reprendre le chemin du bien commun ouvrant sur le bonheur du ciel. « Tu es phare de civilisation, proclame Pie XII, et l’Europe civilisée et le monde te doivent ce qu’il y a de plus sacré et de plus sain ; de plus sage et de plus honnête chez tous les peuples, ce qui exalte et fait la beauté de leur histoire ». Nous le croyons et l’espérons comme une extrême nécessité. « J’eus cette volonté de croire » avoue Jeanne.

LIRE LA SUITE DANS L’HÉRITAGE N°9 :