Le texte qui va suivre a pour objet l’étude d’une association réputée secrète (en réalité « discrète ») qui existait il y a environ un siècle : le Sodalitium Pianum, aussi nommée en France « la Sapinière »…
Point particulier de cette structure d’espionnage et de contre-infiltration : elle avait pour objectif la lutte contre le modernisme et contre toute forme de libéralisme au sein de l’Eglise catholique romaine.
Cette organisation s’est inspirée de certaines techniques utilisées par des organisations maçonniques ou autres (secret, infiltration) que nous avons l’habitude de dénoncer, et les a mises à son profit.
Saint Pie X est le premier à lutter de manière radicale contre la pénétration moderniste de l’Eglise catholique. Après son élection le 4 août 1903, le pape prend une série de mesures anti-modernistes et c’est en 1910 que tout le clergé doit souscrire au serment « anti-moderniste ». Le Souverain Pontife n’est pas le seul à s’inquiéter du modernisme qu’il tenait pour « La synthèse et le venin de toutes les hérésies qui tendent à saper les fondements de la foi et à anéantir le Christianisme ». Beaucoup partagent son inquiétude de voir se former « une Eglise dans l’Eglise » . Parmi eux, Mgr Benigni va jouer un rôle de premier plan.
Le fondateur de l’Association : Mgr Benigni
Umberto Benigni est né en 1862. A la fin du 19e siècle, il écrit dans de nombreux journaux. En 1906, il est nommé sous-secrétaire aux affaires ecclésiastiques au moment où Pie X lance sa grande offensive contre les modernistes. Ayant compris l’importance de la presse, Monseigneur Benigni fonde en 1907 une agence de presse (la Corrispondenza romana) destinée à observer les courants qui traversent l’Eglise , mais surtout, en fait, les infiltrations modernistes dans la presse catholique. Il s’entoure d’un groupe de collaborateurs : c’est la naissance du Sodalitium Pianum.
En France, certains veulent écarter Mgr Benigni, la République craignant les consignes de résistance qui sont données aux catholiques français. En 1913, Mgr Benigni songe à obtenir l’approbation canonique pour son organisation, mais le 20 août 1914 saint Pie X meurt et Mgr Benigni met un terme aux activités du Sodalitium Pianum.
Benoît XV, qui succède à Pie X, autorise Mgr Bénigni à reprendre son action, mais l’appui du nouveau pape, accablé par les soucis de la 1ère Guerre Mondiale, n’est pas le même. Les attaques se font nombreuses. Pendant l’occupation de la Belgique, les Allemands mettent la main sur un document du Sodalitium qui, publié en 1921, fera beaucoup de bruit. Benoît XV demande que « dans les circonstances actuelles qui ont changé » le Sodalitium soit dissout. Ce n’est pas une volonté de changer le dogme qui est la cause de cette dissolution ; en effet Benoît XV renouvelle la condamnation du modernisme et exige encore que les prêtres souscrivent au serment anti-moderniste. Disons plutôt qu’un changement de la politique vaticane a lieu avec Benoît XV et plus encore avec Pie XI. Pour eux « le vent de l’histoire avait tourné ». Mgr Benigni meurt en 1934 à 72 ans.
Les caractéristiques de l’Association
Analysons maintenant ce qu’était le Sodalitium Pianum : voyons de qui il était composé, quelle était son action, sa doctrine et la manière dont il a été perçu.
Il est fondé sur le principe des sociétés secrètes qui ont préparé la Révolution Française et qui ont fortement contribué à instaurer certaines lois et modes de vie contre-nature que nous connaissons encore aujourd’hui. Le terme de guerre psychologique n’existait pas encore, mais c’est de cela dont il s’agissait et dont il s’agit toujours.
- Composition et action :
Le Sodalitium se composait d’une centrale romaine et de plusieurs membres isolés. La centrale romaine, appelée « la Diète », se composait de trois ou quatre prêtres et avait pour mission d’informer le Saint Siège en lui communiquant les documents reçus. Cette centrale était entièrement secrète.
Les membres isolés, quant à eux, avaient pour mission de recueillir tous les documents concernant -l’infiltration moderniste et de les transmettre ensuite à la Diète. Ils devaient également réaliser une infiltration contraire dans la presse et l’édition, pour présenter au monde une vision intégralement catholique , sans compromission avec l’esprit du siècle.
- Doctrine :
Le Sodalitium avait une doctrine clairement définie, qui avait été approuvée par St Pie X : il fallait être des catholiques romains intégraux (« intégraux » signifiant qui n’ajoutent ou ne retranchent rien) et dénoncer la révolution jacobine qui place tous les individus à égalité dans un super État et déhiérarchise la société. Enfin l’organisation se présentait comme contre-révolutionnaire.
Le Sodalitium considérait qu’il y avait une lutte éternelle entre l’Eglise romaine et ses ennemis internes ou externes. Les ennemis externes étant les sectes et les internes des pions, modernistes ou libéraux, qui étaient entre les mains de certains grands penseurs et étaient chargés consciemment ou pas de semer le désordre chez les catholiques. Les ennemis étaient combattus avec tous les moyens « honnêtes et opportuns ». Il était cependant expliqué que seules les idées seraient combattues, les ennemis étant traités comme des « frères égarés ». Le Sodalitium se comparait à une milice engagée dans le combat des idées.
Le Sodalitium souhaitait rassembler la vie sociale sous l’influence de l’Eglise, il se disait contre le démocratisme et par conséquent pour l’organisation corporative de la société. L’antimilitarisme et le pacifisme utopique étaient rejetés car ils avaient pour objectif d’endormir la société dans un rêve. Il s’opposait au féminisme, à la coéducation des sexes, à l’éducation sexuelle et à la séparation de la religion de toutes choses (sciences, cité, littérature, art, Etat. ..). Enfin, le Sodalitium dénonçait la manie ou la faiblesse de beaucoup de catholiques de vouloir paraître auprès du monde « conscients et évolués », « vraiment de leur temps », […]
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