Lettre encyclique « Vehementer Nos » de Saint Pie X, suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de décembre 1905

VEHEMENTER NOS

LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE X
AU PEUPLE FRANÇAIS
 

Aux archevêques, évêques, au clergé et au peuple français, à nos bien aimés fils : François-Marie Richard, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Paris ; Victor-Lucien Lecot, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Bordeaux ; Pierre-Hector Coullié, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Lyon ; Joseph-Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Rennes, et à tous nos vénérables frères, les archevêques et évêques et à tout le clergé et le peuple français, Pie X, Pape :

Vénérables frères, bien aimés fils, salut et bénédiction apostolique.

Notre âme est pleine d’une douloureuse sollicitude et notre coeur se remplit d’angoisse quand notre pensée s’arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à l’Eglise catholique, en France, une situation indigne d’elle et lamentable à jamais.

Evénement des plus graves sans doute que celui-là; événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu’à la religion; mais événement qui n’a pu surprendre personne pourvu que l’on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie en France dans ces dernières années.

Pour vous, vénérables frères, elle n’aura été bien certainement ni une nouveauté, ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par l’autorité publique à la religion.

Les attentats passés
Vous avez vu violer la sainteté et l’inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D’autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l’armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d’une façon quelconque, rappeler la religion.

Ces mesures et d’autres encore qui peu à peu séparaient de fait l’Eglise de l’Etat n’étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d’arriver à la séparation complète et officielle.

Leurs promoteurs eux-mêmes n’ont pas hésité à le reconnaître hautement, et maintes fois, pour écarter une, calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n’a absolument rien épargné. Pendant que, d’un côté, il ne se lassait pas d’avertir ceux qui étaient à la tête des affaires françaises et qu’il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l’immensité des maux qu’amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l’autre, il multipliait vis-à-vis de la France les témoignages éclatants de sa condescendante affection.

Il avait le droit d’espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets; mais, attentions, bons offices, efforts tant de la part de notre Prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans effet, et la violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps ils avaient prétendu à l’encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient souhaiter les esprits qui pensent sagement.

C’est pourquoi, dans une heure aussi grave pour l’Eglise, conscient de notre charge apostolique, nous avons considéré comme un devoir d’élever notre voix et de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, à vous tous que nous avons toujours entourés d’une tendresse particulière, mais qu’en ce moment, comme c’est bien juste, nous aimons plus tendrement que jamais.

Fausseté du principe de la Séparation
Qu’il faille séparer l’Etat de l’Eglise, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient.

Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel; elle limite, en effet, l’action de l’Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin.

Et pourtant, l’ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également l’ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés.

Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d’elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux.

Il en résulte forcément qu’il y aura bien des matières dont elles devront connaître l’une et l’autre, comme étant de leur ressort à toutes deux.

Or, qu’entre l’Etat et l’Eglise l’accord vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés.

La notion du vrai en serra troublée .et les âmes remplies d’une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes romains n’ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a. plusieurs fois, et magnifiquement exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. « Entre elles, a-t-il dit,. il faut nécessairement qu’une sage union intervienne, union qu’on peut non sans justesse ; comparer à celle, qui réunit dans l’homme, l’âme et le corps. » « Quaedam intercedat necesse est ordinata colligatio inter illas quae quidem coniuntioni non immerito comparatur per quam anima et corpus in homine copulantur. » Il ajoute encore: « Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n’existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Quant à l’Eglise, qui a Dieu lui-même pour auteur, l’exclure de la vie active de la nation, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est commettre une grande et pernicieuse erreur! » « Civitates non possunt, citra seclus, genere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihil que profituram ablicere. Ecclesiam vero quam Deus ipse constituit ab actione vitae excludere, a legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosus est error. » (Lettre encyclique Immortale Dei, 1er nov. 1885.)

La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France
Que si en se séparant de l’Eglise, un Etat chrétien, quel qu’il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n’est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n’eût dû y entrer, la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce siège apostolique, l’objet d’une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des moeurs chrétiennes et au respect de la religion.

Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire: « La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde ». (Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.)

Les liens qui consacraient cette union devaient être d’autant plus inviolables qu’ainsi l’exigeait la foi jurée des traités. Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre, que les Etats concluent entre eux, était un contrat bilatéral, qui obligeait des deux côtés: le Pontife romain d’une part, le chef de la nation française de l’autre, s’engagèrent donc solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu’ils signaient.

Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c’est-à-dire le droit des gens, et qu’il ne pouvait, en aucune manière, être annulé par le fait de l’une seule des deux parties ayant contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu’il avait souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l’Etat fit preuve de la même fidélité. C’est là une vérité qu’aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujourd’hui, l’Etat abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu’il avait signé.

Il transgresse ainsi la foi jurée et, pour rompre avec l’Eglise, pour s’affranchir de son amitié, ne reculant devant rien, il n’hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l’outrage qui résulte de cette violation du droit des gens qu’à ébranler l’ordre social et politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n’intéresse autant les nations qu’une fidélité irrévocable dans le respect sacré des traités.

Aggravation de l’injure
La grandeur de l’injure infligée au Siège apostolique par l’abrogation unilatérale du Concordat s’augmente encore et d’une façon singulière quand on se prend à considérer la forme dans laquelle l’Etat a effectué cette abrogation. C’est un principe admis sans discussion dans le droit des gens et universellement observé par toutes les nations que la rupture d’un traité doit être préventivement et régulièrement notifiée d’une manière claire et explicite à l’autre partie contractante par celle qui a l’intention de dénoncer le traité. Or, non seulement aucune dénonciation de ce genre n’a été faite au Saint-Siège, mais aucune indication quelconque ne lui a même été donnée à ce sujet; en sorte que le gouvernement français n’a pas hésité à manquer vis-à-vis du siège apostolique aux égards ordinaires et à la courtoisie dont on ne se dispense même pas vis-à-vis des Etats les plus petits, et ses mandataires, qui étaient pourtant les représentants d’une nation catholique, n’ont pas craint de traiter avec mépris la dignité et le pouvoir du Pontife, chef suprême de l’Eglise, alors qu’ils auraient dû avoir pour cette puissance un respect supérieur à celui qu’inspirent toutes les autres puissances politiques et d’autant plus grand que, d’une part, cette puissance a trait au lien éternel des âmes et que, sans limites, de l’autre, elle s’étend partout.

Injustice et périls des dispositions de la loi examinée en détail
Associations cultuelles
Si nous examinons maintenant en elle-même la loi qui vient d’être promulguée, nous y trouvons une raison nouvelle de nous plaindre encore plus énergiquement.

Puisque l’Etat, rompant les liens du Concordat, se séparait de l’Eglise, il eût dû comme conséquence naturelle lui laisser son indépendance et lui permettre de jouir en paix du droit commun dans la liberté qu’il prétendait lui concéder. Or, rien n’a été moins fait en vérité. Nous relevons, en effet, dans la loi, plusieurs mesures d’exception, qui, odieusement restrictives, mettent l’Eglise sous la domination du pouvoir civil. Quant à nous, ce nous a été une douleur bien amère que de voir l’Etat faire ainsi invasion dans des matières qui sont du ressort exclusif de la puissance ecclésiastique, et nous en gémissons d’autant plus qu’oublieux de l’équité et de la justice, il a créé par là à l’Eglise de France une situation dure, accablante et oppressive de ses droits les plus sacrés.

Les dispositions de la nouvelle loi sont, en effet, contraires à la Constitution suivant laquelle l’Eglise a été fondée par Jésus-Christ.

L’Ecriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le confirme, que l’Eglise est le corps mystique du Christ, corps régi par des pasteurs et des docteurs (Ephes., IV, 11), société d’hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger. (Matthieu, XXVIII, 18-20 ; XVI, 18-19 ; XVIII, 17 ; Tite II, 15 ; II Cor. X, 6 ; XIII, 10, etc.)

Il en résulte que cette Eglise est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes: les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société.

Quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.

Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d’une façon admirable, quand il écrit : Notre Seigneur dont nous devons révérer et observer les préceptes réglant la dignité épiscopale et le mode d’être de son Eglise, dit dans l’Evangile, en s’adressant à Pierre :  » Ego dico tibi quia tu es Petrus « , etc.

Aussi, « à travers les vicissitudes des âges et des événements, l’économie de l’épiscopat et la constitution de l’Eglise se déroulent de telle sorte que l’Eglise repose sur les évêques et que toute sa vie active est gouvernée par eux ». Dominus noster cujus praecepta metuere et servare debemus episcopi honorem et ecclesiae suae rationem disponens in evangolio loquitur et dixit Petro: ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. Inde per temporum et successionum vices episcoporum ordinatio et ecclesiae ratio decurbit ut Ecclesia super episcopas constituatur et omnis actus ecclesiae per eosdem praepositos gubernetur. (St Cypr., epist., XXVII ; Al., XXVIII, ad Lapsos, 11.)

Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine :  » Divina lege fundatum.  »

Contrairement à ces principes, la loi de séparation attribue l’administration et la tutelle du culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une association de personnes laïques.

A cette association elle impose une forme, une personnalité juridique et pour tout ce qui touche au culte religieux, elle la considère comme ayant seule des droits civils et des responsabilités à ses yeux. Aussi est-ce à cette association que reviendra l’usage des temples et des édifices sacrés. C’est elle qui possédera tous les biens ecclésiastiques, meubles et immeubles; c’est elle qui disposera, quoique d’une manière temporaire seulement, des évêchés, des presbytères et des séminaires! C’est elle, enfin, qui administrera les biens, réglera les quêtes et recevra les aumônes et les legs destinés au culte religieux. Quant au corps hiérarchique des pasteurs, on fait sur lui un silence absolu! Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées conformément aux règles d’organisation générale du culte, dont elles se proposent d’assurer l’exercice, d’autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître relativement à leurs biens, seul le Conseil d’État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc, vis-à-vis de l’autorité civile dans une dépendance telle, que l’autorité ecclésiastique, et c’est manifeste, n’aura plus sur elles aucun pouvoir. Combien toutes ces dispositions seront blessantes pour l’Eglise et contraires à ses droits et à sa constitution divine! Il n’est personne qui ne l’aperçoive au premier coup d’oeil, sans compter que la loi n’est pas conçue, sur ce point, en des termes nets et précis, qu’elle s’exprime d’une façon très vague et se prêtant largement à l’arbitraire et qu’on peut, dès lors, redouter de voir surgir de son interprétation même de plus grands maux !

L’Eglise ne sera pas libre
En outre, rien n’est plus contraire à la liberté de l’Eglise que cette loi. En effet, quand, par suite de l’existence des associations cultuelles, la loi de séparation empêche les pasteurs d’exercer la plénitude de leur autorité et de leur charge sur le peuple des fidèles; quand elle attribue la juridiction suprême sur ces associations cultuelles au Conseil d’Etat et qu’elle les soumet à toute une série de prescriptions en dehors du droit commun qui rendent leur formation difficile, et plus difficile encore leur maintien, quand, après avoir proclamé la liberté du culte, elle en restreint l’exercice par de multiples exceptions, quand elle dépouille l’Église de la police intérieure des temples pour en investir l’Etat, quand elle entrave la prédication de la foi et de la morale catholiques et édicte contre les clercs un régime pénal sévère et d’exception, quand elle sanctionne ces dispositions et plusieurs autres dispositions semblables où l’arbitraire peut aisément s’exercer, que fait-elle donc sinon placer l’Église dans une sujétion humiliante et, sous le prétexte de protéger l’ordre public, ravir à des citoyens paisibles, qui forment encore l’immense majorité en France, le droit sacré de pratiquer leur propre religion? Aussi. n’est-ce pas seulement en restreignant l’exercice de son culte auquel la loi de séparation réduit faussement toute l’essence de la religion, que l’Etat blesse l’Eglise, c’est encore en faisant obstacle à son influence toujours si bienfaisante sur le peuple et en paralysant de mille manières différentes son action.

C’est ainsi, entre autres choses, qu’il ne lui a pas suffi d’arracher à cette Eglise les ordres religieux, ses précieux auxiliaires dans le sacré ministère, dans l’enseignement, dans l’éducation, dans les oeuvres de charité chrétienne; mais qu’il la. prive encore des ressources qui constituent les moyens humains nécessaires à son existence et à l’accomplissement de sa mission.

Droit de propriété violé
Outre les préjudices et les injures que nous avons relevés jusqu’ici, la loi de séparation viole encore le droit de propriété de l’Eglise et elle le foule aux pieds! Contrairement à toute justice, elle dépouille cette Eglise d’une grande partie d’un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes, ou pour le fonctionnement des différentes oeuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques où l’on chercherait vainement le moindre vestige de religion! En quoi elle ne viole pas seulement les droits de l’Eglise, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs et des testateurs!

Il nous est extrêmement douloureux aussi qu’au mépris de tous les droits, la loi déclare propriété de l’Etat, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs au Concordat. Et si la loi en concède l’usage indéfini et gratuit aux associations cultuelles, elle entoure cette concession de tant et de telles réserves qu’en réalité elle laisse aux pouvoirs publics la liberté d’en disposer.

Nous avons de plus les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces temples, asiles augustes de la Majesté Divine et lieux mille fois chers, à cause de leurs souvenirs, à la piété du peuple français ! Car ils sont certainement en danger, s’ils tombent entre des mains laïques, d’être profanés! Quand la loi supprimant le budget des cultes exonère ensuite l’Etat de l’obligation de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement contracté dans une convention diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point, en effet, aucun doute n’est possible et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de la façon la plus claire. Si le gouvernement français assuma, dans le Concordat, la charge d’assurer aux membres du clergé un traitement qui leur permit de pourvoir, d’une façon convenable, à leur entretien et à celui du culte religieux, il ne fit point cela à titre de concession gratuite, il s’y obligea à titre de dédommagement partiel, au moins vis-à-vis de l’Eglise, dont l’Etat s’était approprié tes biens pendant la première Révolution.

D’autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix, le Pontife romain s’engagea, en son nom et au nom de ses successeurs à ne pas inquiéter les détenteurs des biens qui avaient été ainsi ravis à l’Eglise, il est certain qu’il ne fit cette promesse qu’à une condition: c’est que le gouvernement français s’engagerait à perpétuité à doter le clergé d’une façon convenable et à pourvoir aux frais du culte divin.

Principe de discorde
Enfin et comment, pourrions-nous bien nous taire sur ce point? En dehors des intérêts de l’Eglise qu’elle blesse, la nouvelle loi sera aussi des plus funestes à votre pays! Pas de doute, en effet, qu’elle ne ruine lamentablement l’union et la concorde des âmes. Et cependant, sans cette union et sans cette concorde, aucune nation ne peut vivre ou prospérer. Voilà pourquoi, dans la situation présente de l’Europe surtout, cette harmonie parfaite forme le voeu le plus ardent de tous ceux, en France, qui, aimant vraiment, leur pays, ont encore à coeur le salut de la patrie.

Quant à Nous, à l’exemple de notre prédécesseur et héritier de sa prédilection toute particulière pour votre nation, nous nous sommes efforcé sans doute de maintenir la religion de vos aïeux dans l’intégrale possession de tous ses droits parmi vous, mais, en même temps, et toujours ayant devant les yeux cette paix fraternelle, dont le lien le plus étroit est certainement la religion, nous avons travaillé à vous raffermir tous dans l’union. Aussi, nous ne pouvons pas voir, sans la plus vive angoisse, que le gouvernement français vient d’accomplir un acte qui, en attisant, sur le terrain religieux, des passions excitées déjà d’une façon trop funeste, semble de nature à bouleverser de fond en comble tout votre pays.

La condamnation
C’est pourquoi, Nous souvenant de notre charge apostolique et conscient de l’impérieux devoir qui nous incombe de défendre contre toute attaque- et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l’Eglise, en vertu de l’autorité suprême que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.

Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l’Eglise, à ses droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l’Eglise a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat.

Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.

En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Eglise pour les infirmer.

Aux Evêques et au Clergé – Instructions Pratiques
Nous devions faire entendre ces graves paroles et vous les adresser à vous, vénérables Frères, au peuple de France et au monde chrétien tout entier, pour dénoncer le fait qui vient de se produire.

Assurément, profonde est notre tristesse, comme nous l’avons déjà dit, quand, par avance, nous mesurions du regard les maux que cette loi va déchaîner sur un peuple si tendrement aimé par nous, et elle nous émeut plus profondément encore à la pensée des peines, des souffrances, des tribulations de tout genre qui vont vous incomber à vous aussi vénérables Frères, et à votre clergé tout entier.

Mais, pour nous garder au milieu des sollicitudes si accablantes contre toute affliction excessive et contre tous les découragements, nous avons le ressouvenir de la Providence divine toujours si miséricordieuse et l’espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n’abandonnera son Eglise, que jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-nous bien loin d’éprouver la moindre crainte pour cette Eglise. Sa force est divine comme son immuable stabilité. L’expérience des siècles le démontre victorieusement. Personne n’ignore, en effet, les calamités innombrables et plus terribles les unes que les autres qui ont fondu sur elle pendant cette longue durée et là où toute institution purement humaine eût dû nécessairement s’écrouler, l’Église a toujours puisé dans ses épreuves une force plus rigoureuse et une plus opulente fécondité.

Quant aux lois de persécution dirigées contre elle, l’histoire nous l’enseigne, et dans des temps assez rapprochés la France elle-même nous le prouve, forgées par la haine, elles finissent toujours par être abrogées avec sagesse, quand devient manifeste le préjudice qui en découle pour les Etats. Plaise à Dieu que ceux qui en ce moment sont au pouvoir en France suivent bientôt sur ce point l’exemple de ceux qui les y précédèrent. Plaise à Dieu qu’aux applaudissements de tous les gens de bien, ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec l’honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière (Rom. XIII, 12), les enfants de l’Eglise doivent agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C’est leur devoir toujours! C’est leur devoir aujourd’hui plus que jamais ! Dans ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être les maîtres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l’ardeur de ce zèle vigilant et infatigable, dont de tout temps l’Episcopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de tous; mais par dessus tout, nous voulons, car c’est une chose d’une importance extrême, que, dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l’Eglise, vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de coeur et de volonté !

Nous sommes fermement résolu à vous adresser, en temps opportun, des instructions pratiques pour qu’elles vous soient une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l’heure présente. Et nous sommes certain d’avance que vous vous y conformerez très fidèlement.

Poursuivez cependant l’oeuvre salutaire que vous faites, ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles, promouvez et vulgarisez de plus en plus l’enseignement de la doctrine chrétienne, préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu’aujourd’hui elles rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale.

Dans cette oeuvre, vous aurez sans doute, comme collaborateur infatigable, votre clergé. Il est riche en hommes remarquables par leur piété, leur science, leur attachement au Siège apostolique, et nous savons qu’il est toujours prêt à se dévouer sans compter sous votre direction pour le triomphe de l’Eglise et pour le salut éternel du prochain.

Bien certainement, aussi les membres de ce clergé comprendront que dans cette tourmente ils doivent avoir au coeur les sentiments qui furent jadis ceux des apôtres et ils se réjouiront d’avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Gaudeates quoniam digni habili sunt pro nomine Jesu contumeliam pari. (Act. V, 41.)

Ils revendiqueront donc vaillamment les droits et la liberté de l’Eglise, mais sans offenser personne. Bien plus soucieux de garder la charité comme le doivent surtout des ministres de Jésus-Christ, ils répondront à l’iniquité par la justice, aux outrages par la douceur, et aux mauvais traitements par des bienfaits.

Au peuple catholique – Appel à l’union
Et maintenant, c’est à vous que nous nous adressons, catholiques de France; que notre parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne cessons pas d’aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités redoutables qu’il va vous falloir traverser.

Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l’ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace :  » Décatholiciser la France « .

Elles veulent arracher de vos coeurs, jusqu’à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui a rendu votre patrie prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient dans l’épreuve qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie vers l’éternelle félicité.

C’est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu’il vous faut défendre cette foi ; mais ne vous y méprenez pas, travail et efforts seraient inutiles si vous tentiez de repousser les assauts qu’on vous livrera sans être fortement unis. Abdiquez donc tous les germes de désunion s’il en existait parmi vous et faites le nécessaire pour que, dans la pensée comme dans l’action, votre union soit aussi ferme qu’elle doit l’être parmi des hommes qui combattent pour la même cause, surtout quand cette cause est de celles au triomphe de qui chacun doit volontiers sacrifier quelque chose de ses propres opinions.

Si vous voulez dans la limite de vos forces, et comme c’est votre devoir impérieux, sauver la religion de vos ancêtres des dangers qu’elle court, il est de toute nécessité que vous déployiez dans une large mesure vaillance et générosité. Cette générosité vous l’aurez, nous en sommes sûr et, en vous montrant ainsi charitables vis-à-vis de ses ministres, vous inclinerez Dieu à se montrer de plus en plus charitable vis-à-vis de vous. Quant à la défense de la religion, si vous voulez l’entreprendre d’une manière digne d’elle, la poursuivre sans écart et avec efficacité, deux choses importent avant tout : vous devez d’abord vous modeler si fidèlement sur les préceptes de la loi chrétienne que vos actes et votre vie tout entière honorent la foi dont vous faites profession; vous devez ensuite demeurer très étroitement unis avec ceux à qui il appartient en propre de veiller ici-bas sur la religion, avec vos prêtres, avec vos évêques et surtout avec ce siège apostolique, qui est le pivot de la foi catholique et de tout ce qu’on peut faire en son nom. Ainsi armés pour la lutte, marchez sans crainte à la défense de l’Eglise, mais ayez bien soin que votre confiance se fonde tout entière sur le Dieu dont vous soutiendrez la cause et, pour qu’il vous secoure, implorez-le sans vous lasser.

Pour nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, nous serons de coeur et d’âme au milieu de vous. Labeurs, peines, souffrances, nous partagerons tout avec vous et, adressant en même temps au Dieu qui a fondé l’Eglise et qui la conserve, nos prières les plus humbles et les plus instantes, nous le supplierons d’abaisser sur la France un regard de miséricorde, de l’arracher aux flots déchaînés autour d’elle et de lui rendre bientôt, par l’intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner notre prédilection toute particulière, c’est de tout coeur que nous vous donnons notre bénédiction apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple français tout entier.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l’année 1906, de notre pontificat la troisième.

Histoire de France : le mauvais roman de Jean-Christian Petitfils

Rappel : les recensions s’apparentent chez nous à des tribunes libres.

Article paru dans notre n°14.

Par Jérôme Lingon

« L’ouvrage scandaleux d’un « historien » fameux dans les milieux conservateurs — l’Histoire passionnée de la France de Jean Sévillia —, avait été sévèrement critiqué, à juste titre, dans un précédent numéro de cette revue.

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Comment la République a réduit volontairement le nombre de médecins français… et les remplace

Avec leur délirante politique du numerus clausus (limitant le nombre d’étudiants en médecine) appliquée pendant des décennies jusqu’à très récemment, les politiciens de gauche et de « droite » ont mis la France dans une situation terrible, dont nous goûtons actuellement le résultat avec le cas d’une épidémie, en la privant volontairement de médecins et brisant la vocation de centaine de milliers de jeunes
Mais c’est aussi la désertification médicale de nombreuses régions. Et la justification pour faire venir toujours plus d’immigrés (en dégradant le niveau médical).

L’occasion pour nous de diffuser cet extrait d’un article paru dans notre n°12 (en 2017) :

« Le scandale du « grand remplacement » des médecins

Depuis 1971, l’État fixe le nombre les Français admissibles aux études de médecine (numerus clausus) : ils sont donc soumis à un concours, et seule une petite partie est acceptée. Ce qu’on demande pourtant à un médecin, c’est d’avoir un niveau de connaissance et de compétence donné (cas d’un examen) et non pas d’être meilleur que les autres (concours).
Au début des années 1970, le numerus clausus tournait aux alentours de 8 500, avant de baisser jusqu’à 3 500 pour la décennie 90. Il se trouve ces dernières années entre 7 500 et 8 000.
Ce chiffre est ridiculement bas au regard des besoins de la France. Le résultat est que depuis plusieurs années et pour plusieurs années encore, il y a une grave pénurie de médecins, généralistes ou spécialisés.
Lire la suite « Comment la République a réduit volontairement le nombre de médecins français… et les remplace »

Une association antimoderniste secrète : le « Sodalitium Pianum », dit « La Sapinière »

Le texte qui va suivre a pour objet l’étude d’une association réputée secrète (en réalité « discrète ») qui existait il y a environ un siècle : le Sodalitium Pianum, aussi nommée en France « la Sapinière »…
Point particulier de cette structure d’espionnage et de contre­-infiltration : elle avait pour objectif la lutte contre le modernisme et contre toute forme de libéralisme au sein de l’Eglise catholique romaine.

Cette organisation s’est inspirée de cer­taines techniques utilisées par des organi­sations maçonniques ou autres (secret, infiltration) que nous avons l’habitude de dénoncer, et les a mises à son profit.

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St Pie X

Saint Pie X est le premier à lutter de manière radicale contre la pénétration moderniste de l’Eglise catholique. Après son élection le 4 août 1903, le pape prend une série de mesures anti-moder­nistes et c’est en 1910 que tout le clergé doit souscrire au serment « anti-moderniste ». Le Souverain Pontife n’est pas le seul à s’inquiéter du modernisme qu’il tenait pour « La synthèse et le venin de toutes les hérésies qui tendent  à  saper les fondements de la foi et à anéantir le Christianisme ». Beaucoup partagent son inquiétude de voir se former « une Eglise dans l’Eglise » . Parmi eux, Mgr Benigni va jouer un rôle de premier plan.

Le fondateur de l’Association : Mgr Benigni

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Mgr Benigni

Umberto Benigni est né en 1862. A la fin du 19e siècle, il écrit dans de nombreux journaux. En 1906, il est nommé sous­-secrétaire aux affaires ecclésiastiques au moment où Pie X lance sa grande offen­sive contre les modernistes. Ayant com­pris l’importance de la presse, Monseigneur Benigni fonde en 1907 une agence de presse (la Corrispondenza romana) destinée à observer les courants qui traversent l’Eglise , mais surtout, en fait, les infiltrations modernistes dans la presse catholique. Il s’entoure d’un groupe de collaborateurs : c’est la naissance du Sodalitium Pianum.

En France, certains veulent écarter Mgr Benigni, la République  craignant les consignes de résistance qui sont données aux catholiques français. En 1913, Mgr Benigni songe à obtenir  l’approbation canonique pour son organisation, mais le 20 août 1914 saint Pie X meurt et Mgr Benigni met un terme aux activités du Sodalitium Pianum.

Benoît XV, qui succède à Pie X, autorise Mgr Bénigni à reprendre son action, mais l’appui du nouveau pape, accablé par les soucis de la 1ère Guerre Mondiale, n’est pas le même. Les atta­ques se font nombreuses. Pendant l’oc­cupation de la Belgique, les Allemands mettent la main sur un document du Sodalitium qui, publié en 1921, fera beaucoup de bruit. Benoît XV demande que « dans les circonstances actuelles qui ont changé » le Sodalitium soit dis­sout. Ce n’est pas une volonté de chan­ger le dogme qui est la cause de cette dissolution ; en effet Benoît XV renou­velle la condamnation  du  modernisme et exige encore que les prêtres souscrivent au serment anti-moderniste. Disons plutôt qu’un changement de la politique vaticane a lieu avec Benoît XV et plus encore avec Pie XI. Pour eux « le vent de l’histoire avait tourné ». Mgr Benigni meurt en  1934 à 72 ans.

Les caractéristiques de l’Association

Analysons maintenant ce qu’était le Sodalitium Pianum : voyons de qui il était composé, quelle était son action, sa doctrine et la manière dont il a été perçu.

Il est fondé sur le principe des socié­tés secrètes qui ont préparé la Révolution Française et qui ont forte­ment contribué à instaurer certaines lois et modes de vie contre-nature que nous connaissons encore aujourd’hui. Le terme de guerre psychologique n’existait pas encore, mais c’est de cela dont il s’agissait et dont il s’agit toujours.

  • Composition et action :

Le Sodalitium se composait d’une centrale romaine et de plusieurs membres isolés. La centrale romaine, appe­lée « la Diète », se composait de trois ou quatre prêtres et avait pour mission d’informer le Saint Siège en lui communi­quant les documents reçus. Cette centrale était entièrement secrète.

Les membres isolés, quant à eux, avaient pour mission de recueillir tous les documents concernant -l’infiltration moderniste et de les transmettre ensuite à la Diète. Ils devaient également réaliser une infiltration contraire dans la presse et l’édition, pour présenter au monde une vision intégralement catholique , sans compromission avec l’esprit du siècle.

  • Doctrine :

Le Sodalitium avait une doctrine clai­rement définie, qui avait été approuvée par St Pie X : il fallait être des catholi­ques romains intégraux (« intégraux » signi­fiant qui n’ajoutent ou ne retranchent rien) et dénoncer la révolution jacobine qui place tous les individus à égalité dans un super État et déhiérarchise la société. Enfin l’organisation se présen­tait comme contre-révolutionnaire.

Le Sodalitium considérait qu’il y avait une lutte éternelle entre l’Eglise romaine et ses ennemis internes ou externes. Les ennemis externes étant les sectes et les internes des pions, modernistes ou libéraux, qui étaient entre les mains de certains grands pen­seurs et étaient chargés consciemment ou pas de semer le désordre chez les catholiques. Les ennemis étaient com­battus avec tous les moyens « honnê­tes et opportuns ». Il était cependant expliqué que seules les idées seraient combattues, les ennemis étant traités comme des « frères égarés ». Le Sodalitium se comparait à une milice engagée dans le combat des  idées.

Le Sodalitium souhaitait  rassembler la vie sociale sous l’influence de  l’Eglise, il se disait contre le démocra­tisme et par conséquent pour l’organisa­tion corporative de la société. L’antimilitarisme et le pacifisme utopi­que étaient rejetés car ils avaient pour objectif d’endormir la société dans un rêve. Il s’opposait au féminisme, à la coéducation des sexes, à l’éducation sexuelle et à la séparation de la religion de toutes choses (sciences, cité, littéra­ture, art, Etat. ..). Enfin, le Sodalitium dénonçait la manie ou la faiblesse de beaucoup de catholiques de vouloir paraître auprès du monde « conscients  et  évolués »,  « vraiment  de  leur temps », […]

LIRE LA SUITE DE CET ARTICLE DANS L’HÉRITAGE N° 6 :

Lutte contre la loi Taubira : fondements, colères et espoirs

par Thibaut de Chassey (août 2013)

Le passage de la loi Taubira, légalisant les unions contre-nature, est un bouleversement juridique et social majeur.
Mais il n’a pas surgi spontanément, de nulle part.
Et même s’il est vrai que le gouvernement socialiste a méprisé le peuple au long de son marathon législatif, il ne faut pas se leurrer : la majorité de la population française, aujourd’hui encore frileuse, avalisera cette évolution au fil des ans car elle en partage les fondements philosophiques, moraux et politiques.

En l’occurrence, la loi a devancé l’évolution des mœurs (au lieu de s’y adapter, comme les « modernes » le voulaient jusqu’alors, et fallacieusement). Mais elle l’a devancée de peu… Il faut par ailleurs bien garder en tête qu’il ne s’agit que d’une étape.

Une attaque, parmi d’autres

Ce violent assaut contre cette institution naturelle qu’est la famille, par la tentative de dénaturation du mariage, est à replacer dans le contexte d’une offensive générale et radicale contre l’ordre naturel et surnaturel des choses (mouvement que l’on nomme traditionnellement « Révolution », avec une majuscule).

Après avoir largement détruit la civilisation chrétienne et l’ordre social traditionnel, après s’en être pris aux métiers et avoir livré les travailleurs au Capital, dissous les identités régionales, vaincu les indépendances nationales, la Révolution voyait la famille comme un bastion dont le tour était venu.
Celui-ci n’aurait pu être si aisément submergé s’il n’avait pas été affaibli par un travail de sape lent et minutieux.

Le cas du prétendu (et impossible) « mariage » « homosexuel » est ainsi à replacer dans un contexte large.

Les idées ont une logique

Les idées ne surgissent pas spontanément. Une idée en entraîne une autre.
Celle selon laquelle les invertis auraient un « droit » à singer une institution fondée sur le couple homme/femme est le dernier — mais pas l’ultime, hélas — développement de l’idéologie libérale(1)Nous entendons par idéologie libérale cette volonté d’émanciper l’homme de tout enracinement naturel et de tout ordre, notamment moral, qu’il n’aurait pas choisi lui-même librement. qui progresse continûment depuis quelques siècles et qui trouve peu de résistance(2)surtout depuis que l’Église est entrée dans la crise moderniste. face à une expansion visant l’hégémonie.

Celle-ci se conjugue en l’espèce avec l’idéologie « du genre », qui elle-même s’appuie sur le mythe de l’humain androgyne.
Cette conception bisexuée de l’homme est promue depuis quelques temps par des « intellectuels », juifs pour beaucoup et dont Freud ne fut pas le moindre.(3)« L’homme est un animal doué d’une disposition non équivoque à la bisexualité. L’individu correspond à une fusion de deux moitiés symétriques dont l’une est purement masculine et l’autre féminine » ; Freud, in Malaise dans la civilisation, 1929.
« En vérité, nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués… L’épanouissement de l’individu passe par la reconnaissance de sa bisexualité… L’idéal est d’accoucher d’un être humain uni-sexué » ; Elisabeth Badinter, in L’Un est l’autre, 1986. « La bisexualité originaire est de retour, balayant sur son passage l’inégalité […] » ; Yolande Cohen, Femmes et contre-pouvoirs.
En réalité, il s’agit d’un thème très ancien, récurrent dans les pensées kabbalistique et gnostique, ou par exemple dans le discours d’Aristophane.

Appuyé sur l’orgueil humain et la flatterie de nos instincts les moins nobles, le libéralisme égalitariste, derrière des prétentions libertaires, cache une nature tyrannique qui ne souffre aucune contestation. Toujours le mot « tolérance » aux lèvres, il ne supporte ni la contradiction, ni qu’on lui échappe.

Or, il est vain de vouloir combattre un phénomène sans même s’intéresser à ses origines. Ce à quoi nous assistons actuellement est la conséquence logique d’idées et de changements de mentalité successifs qui ont été malheureusement avalisés par de nombreux opposants à la loi Taubira ; notamment ceux qui se réclament sincèrement de la République, dont le libéralisme et l’égalitarisme sont des fondements officiels.
« En dessous » des idées,  si l’on peut dire, on trouve des hommes et des structures pour les mettre en œuvre, pour les servir. Il n’est pas nécessaire d’étudier pendant des années pour s’apercevoir que ce combat de longue haleine contre le mariage, la famille et les bonnes mœurs en général est au cœur de l’action de la franc-maçonnerie.

Le détournement de la colère

Il est encore trop tôt, à l’heure où ces lignes sont écrites, pour dresser un bilan de la formidable mobilisation qu’a suscitée le projet socialiste, mais elle est historique par son ampleur, par sa persistance et par la détermination des participants. C’est un vrai motif de réjouissance que de voir cette foule, et notamment cette jeunesse, monter au créneau — souvent pour la première fois —, avec un enthousiasme qu’on osait à peine espérer dans notre société d’égoïsme et de résignation.

Bien sûr, il ne faut pas se leurrer quant à la radicalité de la plus grande partie des manifestants, quant à leur volonté d’aller au bout du raisonnement qui s’impose, quant à leur capacité à remettre en cause le Système dans son ensemble. La plupart d’entre eux sont et veulent rester régimistes. Mais il suffirait que ne serait-ce qu’un pour cent du million de manifestants du 24 mars 2013 ait une prise de conscience aboutissant sur un engagement politique radical (au meilleur sens du terme) pour que les choses changent…

Évidemment, on regrettera que ce sursaut populaire ait été mis sous l’autorité de la mal prénommée mais bien nommée « Frigide Barjot », qui a mené la contestation dans le mur, et les manifestants dans les bras de l’UMP.  La colère sur les plateaux télé, réelle ou feinte, a toujours laissé place, concrètement,  à un légalisme forcené. Or, quand il s’agit de mener un bras de fer avec le pouvoir, si l’objectif est vraiment de le faire reculer, cela ne passe pas par des apologies incessantes du « pacifisme », ni par des airs de boîtes de nuit qu’on donne à des défilés de protestation. On ne gagne pas non plus l’aide de Dieu — au contraire — en essayant de cacher à tout prix que l’on est catholique, ce qui ne dupe au demeurant personne, ni les médias, ni le gouvernement.

La vérité est que cent mille personnes vraiment en colère dans la rue ont plus d’effet sur le pouvoir qu’un million de fêtards tout de rose vêtus.
[…] Il ne s’agit pas ici d’inciter à la violence, mais simplement de rappeler que l’on n’a aucune chance de gagner un rapport de force en commençant par expliquer que l’adversaire n’a rien à craindre.
Surtout quand en face, on a un gouvernement autiste, idéologique au point d’en être fanatique.

Non seulement l’énergie colossale qui a été mise en œuvre pendant l’année 2012-2013 n’aura pu atteindre son objectif premier, mais elle risque de dégoûter un certain nombre de Français de « l’action politique », les poussant dans une résignation somme toute confortable, tandis que d’autres tomberont dans le piège UMPiste.(4)Des personnalités de l’UMP ayant été largement mises en avant, pour appeler clairement et sans rougir à voter pour elles en 2017, expliquant que si leur parti l’emportait, s’en serait fini de cette loi. C’est bien évidemment mensonger, la « droite » validant systématiquement les mauvaises réformes de la « gauche » (nous l’avons vu récemment avec le PACS par exemple), quand elle ne les devance pas carrément (avortement, immigration, théorie du genre à l’école, etc.)
Par ailleurs, il s’agit de ne pas oublier que l’opposition droite/gauche n’est que de façade, et que derrière le théâtre démocratique, on se retrouve dans les mêmes loges maçonniques ou au restaurant avec les mêmes grands patrons.
Pis, les discours et les mots d’ordre ont constitué un formidable recul dialectique et rhétorique, avec d’incessantes apologies de la République, ou carrément de l’homosexualité elle-même.
Or, contrairement à ce que disent (sincèrement ou par peur des médias) les meneurs des grandes manifestations, le fond du problème, c’est aussi que les actes homosexuels sont foncièrement mauvais et n’ont en aucune façon à être légitimés socialement.
Bien sûr, si les meneurs en question n’avaient pas été si complaisants envers le Système et l’homosexualité, s’ils n’avaient pas eu pour souci principal de plaire à des médias qui sont radicalement des ennemis, un certain nombre de bons bourgeois n’auraient pas osé fouler le pavé.

Remettre en perspective la loi Taubira, c’est aussi garder à l’esprit qu’elle est un fruit pourri de la République et de son idéologie, et qu’elle va de pair avec le rouleau-compresseur du mondialisme. On n’a pas beaucoup entendu parler, durant les nombreux débats, du fait que la calamiteuse Union européenne , marche-pied de l’État mondial, nous imposait de légiférer sur le mariage (voir encadré ci-dessous). Ainsi, restaurer les bases de la civilisation et de la morale publique ne saurait se faire sans une rupture radicale avec l’européisme.
Tout est lié : le Système est un tout relativement cohérent, et de même que « la Révolution est un bloc » comme le disait pertinemment le connaisseur Clémenceau, la Contre-révolution sera un bloc.
Il faut aussi voir les côtés positifs de ces mois d’agitation.
De nombreux conservateurs ont été piqués au vif par la loi Taubira et par les méthodes du gouvernement, qui  n’a d’autre réaction que la violence, comme en témoignent les exactions commises par les forces de l’ordre, ou l’usage arbitraire des moyens judiciaires. Il faut que leur indignation persiste et qu’elle débouche sur un véritable engagement politique, en rupture avec le Système, ses codes, ses artifices. Il faut passer du conservatisme à la (contre-)révolution !

Espérons que les jets de gaz lacrymogène et les coups de matraque, ainsi que les centaines de garde à vue, auront au moins servi à réveiller des « droitards » ou de jeunes Français venus de nulle part, endormis devant le « jeu démocratique » comme d’autres s’assoupissent devant leur télévision.
Aidons-les à franchir le pas de la dissidence et à saisir les véritables implications et enjeux que soulève le bouleversement législatif en cours.

Demain ?

Il est important que tout le monde comprenne bien que face à l’extrémisme d’un gouvernement méprisant le peuple, aux ordres d’un petit lobby, et fort uniquement de ses médias et de ses matraques, l’heure n’est plus au compromis ni à la mollesse.
Cette victoire des socialistes ne sera malheureusement pas le fond du trou mais augure d’autres projets encore plus fous, et donc d’autres combats.

Nous attirons par exemple l’attention du lecteur sur le fait que les mariages religieux, s’ils sont actuellement épargnés par les politiques, seront demain dans la ligne de mire pour cause de « discrimination au motif de l’orientation sexuelle ». Il est dans la logique des choses que le gouvernement veuille un jour obliger les prêtres à accepter de célébrer des cérémonies pour des duos d’invertis, comme on en parle déjà en Angleterre pour les Anglicans. Et les progrès de « la tolérance » vont s’accompagner d’une répression plus forte, voire de persécutions contre les réfractaires. Paradoxal mais vérifié par deux cent vingt ans d’histoire.

On peut se dire que cela n’est pas pour demain, mais qui imaginait, il y a dix ans, qu’une décennie nous séparait de cette honte qui vient de frapper la France ?
Le concept d’ « accélération de l’histoire »(5)La société change, et de plus en plus vite. Il n’y a pas longtemps, elle changeait davantage en quelques décennies qu’autrefois en plusieurs siècles, et ce qui prenait hier des décennies ne prend aujourd’hui que quelques années. se fait cruellement sentir et demain nous aurons affaire, si rien ne change, à des horreurs que nous ne pouvons concevoir actuellement.
Raison de plus pour s’engager généreusement et intelligemment, sans plus attendre, dans les combats politiques et sociaux défensifs et offensifs qui s’imposent.

Beaucoup de nos compatriotes ont fait ces derniers mois un pas dans une bonne direction :
à nous de les prendre par la main pour les mener sur le chemin de la Vérité, qui sera aussi, si Dieu le veut, le chemin de la victoire !

__________________

Annexe 1 :
L’Union européenne contre le mariage

Quelle est la position de l’instance qui est à l’origine de 80 % des lois françaises ?

Elle est un acteur méconnu mais très actif du projet de destruction du mariage.

En effet plusieurs résolutions du Parlement européen demandent aux États membres de mettre en place une législation pour en finir avec les « discriminations » à l’égard des « couples homosexuels » en termes d’union, de mariage civils (en attendant le mariage religieux) ou d’accès à l’adoption et à la parentalité.

–  Par la résolution du 8 février 1994, le Parlement européen demande clairement aux États membres de mettre fin à « l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes », recommande de « leur garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement des partenariats » et de supprimer « toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d’être parents ou bien d’adopter ou d’élever des enfants ».

–  Dans la résolution votée le 5 juillet 2001, le Parlement européen recommande aux États membres de l’Union européenne « la modification de leur législation dans le sens d’une reconnaissance des relations non maritales entre personnes du même sexe ou de sexes différents et l’attribution de droits égaux à ces personnes » ainsi que « l’inscription à l’ordre du jour de l’Union européenne de la question de la reconnaissance mutuelle des relations non maritales reconnues légalement ».

–  Dans un rapport publié fin 2002, le Parlement recommande « de reconnaître les relations non maritales, tant entre personnes de sexe différent qu’entre personnes du même sexe, et d’associer à ce type de relations des droits égaux à ceux qui découlent du mariage, tout en inscrivant à l’agenda politique la reconnaissance mutuelle des relations non maritales et du mariage entre personnes du même sexe ».

–  Dans une résolution de 2003, le Parlement européen réitère sa demande « d’abolir toute forme de discrimination — législatives ou de facto — dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ».

ANNEXE 2 :
Ce qu’en disait le Larousse en 1985…

Il est intéressant de voir à quoi ressemblait une définition médicale de l’« homosexualité » il y a encore quelques années.
Voici ce qu’en disait le Dictionnaire de la médecine, Larousse de poche, édition de 1985 (nous soulignons le passage le plus éloquent) :

« homosexualité n. f. Comportement lié à l’appétence pour l’individu du même sexe  (Fay).
L’homosexualité est essentiellement due à des facteurs psychologiques et sociaux plutôt qu’à des facteurs biologiques. Chez l’adulte, à côté des conduites homosexuelles occasionnelles dues à l’absence de partenaires du sexe opposé, il existe des comportements homosexuels sous-tendus par des préoccupations sociales ou philosophiques (Grèce antique).  […]
L’homosexualité masculine se manifeste par la pédérastie […]. L’homosexualité féminine (lesbianisme) est plus discrète et plus stable. Chez l’adolescent, l’homosexualité peut n’être que l’aspect adopté par une ambivalence sexuelle passagère.
Le traitement – essentiellement psychothérapique – ne peut intervenir et n’a de chance de succès que chez le névrosé culpabilisé qui le sollicite. »

On se rend compte du chemin parcouru dans les mentalités en quelques décennies à peine !
Et l’on ne peut qu’être effaré de la façon dont la science a reculé et jeté aux oubliettes les connaissances acquises, dans le but de ne pas froisser les lobbies et idéologies en vogue…
L’obscurantisme est bien là !

TIRÉ DE L’Héritage n°9 :


Notes   [ + ]

1. Nous entendons par idéologie libérale cette volonté d’émanciper l’homme de tout enracinement naturel et de tout ordre, notamment moral, qu’il n’aurait pas choisi lui-même librement.
2. surtout depuis que l’Église est entrée dans la crise moderniste.
3. « L’homme est un animal doué d’une disposition non équivoque à la bisexualité. L’individu correspond à une fusion de deux moitiés symétriques dont l’une est purement masculine et l’autre féminine » ; Freud, in Malaise dans la civilisation, 1929.
« En vérité, nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués… L’épanouissement de l’individu passe par la reconnaissance de sa bisexualité… L’idéal est d’accoucher d’un être humain uni-sexué » ; Elisabeth Badinter, in L’Un est l’autre, 1986. « La bisexualité originaire est de retour, balayant sur son passage l’inégalité […] » ; Yolande Cohen, Femmes et contre-pouvoirs.
4. Des personnalités de l’UMP ayant été largement mises en avant, pour appeler clairement et sans rougir à voter pour elles en 2017, expliquant que si leur parti l’emportait, s’en serait fini de cette loi. C’est bien évidemment mensonger, la « droite » validant systématiquement les mauvaises réformes de la « gauche » (nous l’avons vu récemment avec le PACS par exemple), quand elle ne les devance pas carrément (avortement, immigration, théorie du genre à l’école, etc.)
Par ailleurs, il s’agit de ne pas oublier que l’opposition droite/gauche n’est que de façade, et que derrière le théâtre démocratique, on se retrouve dans les mêmes loges maçonniques ou au restaurant avec les mêmes grands patrons.
5. La société change, et de plus en plus vite. Il n’y a pas longtemps, elle changeait davantage en quelques décennies qu’autrefois en plusieurs siècles, et ce qui prenait hier des décennies ne prend aujourd’hui que quelques années.

« La Révolution française » : entretien avec Philippe Pichot-Bravard

Afficher l'image d'origineLa Révolution française, de Philippe Pichot-Bravard.
Préface de Philippe de Villiers, éditions Via Romana, 294 pages, 2014. Disponible ici.

Jeune universitaire et auteur(1)docteur en droit et maître de conférences en histoire du droit public, il a aussi publié Le pape ou l’empereur : les catholiques et Napoléon III (Tempora, 2008), Conserver l’ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle) (LGDJ, 2011), Histoire constitutionnelle des Parlements de l’Ancienne France (Ellipses, 2012)., Philippe Pichot-Bravard est l’auteur d’un livre remarquable sur un sujet d’une importance considérable. Certes, les livres et même les bons livres ne manquent pas autour de cet épisode tragique aux conséquences incalculables, mais l’approche est ici renouvelée et offre une utile synthèse ainsi qu’une mise en perspective intéressante.
Rédigé dans un langage clair et suivant un plan chronologique, il est aisément accessible.

Il s’agit d’un ouvrage que nous recommandons dans le cadre d’une bonne formation historico-politique.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce thème ?

Je me suis toujours intéressé à la Révolution française. Depuis ma plus tendre enfance, je suis hanté par cette terrible tragédie. L’exécution de Louis XVI me plongeait dans des abîmes de perplexité. Ce crime m’apparaissait à la fois terrible et incompréhensible. Avec l’âge, je n’ai pas cherché seulement à connaître les faits et les acteurs mais aussi à comprendre les idées et les mentalités. J’ai cherché en particulier à résoudre la contradiction qui semblait opposer le discours humaniste des constituants de 89 et les horreurs qui ravageaient au même moment la France. La clé qui me permettait de résoudre cette énigme, je l’ai trouvée à l’Université, en deuxième année de droit, dans le cours d’histoire de la Pensée politique dispensé par le professeur Xavier Martin, très grand universitaire à l’égard duquel j’estime avoir une dette imprescriptible.

Il existe déjà une littérature abondante au sujet de la Révolution ; qu’apporte votre livre ?

Ce livre n’a pas pour ambition de raconter une nouvelle fois des anecdotes mille fois ressassées. Son ambition est d’intégrer à une relecture complète de la Révolution les travaux scientifiques particuliers qui ont permis, au cours de ces dernières décennies, de porter un regard neuf sur des aspects importants de l’histoire de la Révolution : ceux de Xavier Martin sur l’anthropologie des Lumières, ceux de Jean de Viguerie sur l’éducation, sur la religion, sur les idées politiques de Louis XVI, ceux de Reynald Secher sur l’extermination vendéenne, ceux de Mona Ozouf sur la régénération révolutionnaire, plus anciennement ceux, inachevés hélas, d’Augustin Cochin sur les sociétés de pensée. Nourris de ces travaux, et de la consultation assidue des archives parlementaires, j’ai tenté de faire comprendre ce qu’avait été la Révolution : la Révolution française a été une entreprise idéologique de construction d’un monde nouveau, de régénération de la société, et de régénération de l’homme.

Dans la chronologie que vous établissez, Descartes et le cartésianisme semblent constituer les prémices intellectuelles du phénomène révolutionnaire. Quel fut leur rôle ?

L’œuvre de René Descartes, et l’usage plus ou moins déformant qu’en ont fait ses disciples, a eu une influence décisive dans l’histoire des idées, dans l’histoire des mentalités et dans l’histoire des institutions. Le prestige intellectuel de Descartes a été considérable. Comme l’a montré Jean de Viguerie dans sa thèse, dès le commencement du XVIIIe siècle, les professeurs de philosophie des collèges adoptent l’enseignement de la méthode cartésienne au détriment de la méthode thomiste. Les élites furent, dès lors, formées à une autre logique intellectuelle ; elles eurent de plus en plus de mal à comprendre certains aspects du monde traditionnel dans lequel elles vivaient et devinrent plus réceptives aux idées nouvelles.
Descartes invite à faire table rase des connaissances acquises afin de redécouvrir la réalité des choses en faisant usage de la Raison humaine. La Raison est séparée de la Foi. Elle se fonde sur l’application de la méthode des sciences mathématiques à tous les domaines de la connaissance. La mise en œuvre de ces méthodes scientifiques permettra, croit-on, de trouver, infailliblement, la solution la plus adaptée, la plus rationnelle, à chaque situation. Un progrès constant vers la perfection découlera nécessairement de l’application de lois scientifiques. Comme l’a montré Frédéric Rouvillois, Descartes et ses disciples ont inventé le progrès, et le progressisme, c’est-à-dire la conviction que le monde, grâce aux sciences et techniques, se perfectionne peu à peu, que l’histoire a un sens, allant du moins bon vers le meilleur. A la veille de la Révolution, l’idéologie des Lumières prétend connaître les lois scientifiques qui permettront de construire un monde nouveau promettant à tous le bonheur. Les acteurs de la Révolution vont tout d’abord faire table rase du passé pour établir ensuite une organisation sociale rationnelle, agençant les intérêts individuels de sorte à rendre la vie sociale paisible. La présomption d’infaillibilité dont le scientisme revêt cette idéologie est la cause directe de la dérive totalitaire qui caractérisa très tôt la Révolution. Quelques décennies plus tôt, l’abbé de Saint-Pierre avait eu cette appréciation qui en annonçait le risque : « Quand le pouvoir est uni à la raison, il ne saurait jamais être trop grand et trop despotique pour l’utilité de la société ».

Ne peut-on remonter plus haut dans la généalogie idéologique révolutionnaire ?

Une révolution intellectuelle déterminante a marqué le deuxième quart du XVIIe siècle :

LIRE LA SUITE DE CE GRAND ENTRETIEN DANS  L’HÉRITAGE n°10 :

Notes   [ + ]

1. docteur en droit et maître de conférences en histoire du droit public, il a aussi publié Le pape ou l’empereur : les catholiques et Napoléon III (Tempora, 2008), Conserver l’ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle) (LGDJ, 2011), Histoire constitutionnelle des Parlements de l’Ancienne France (Ellipses, 2012).

Les Alains en Gaule

De toutes les peuplades barbares qui se sont installées en Gaule au Ve siècle de notre ère, la plus méconnue est sans doute celle des Alains.

Cavalier alain

Ils ont pourtant l’originalité d’être les plus proches des fameux Aryas de l’Inde. Les linguistes les appellent des Indo-iraniens.

Les Alains sont cousins des Sarmates, provenant des contrées situées entre le Don et la mer d’Azov. Ce sont des barbares. Certains d’en- tre eux, les Agathyrses, se chamarrent le corps de couleur bleue. D’autres, les Gélons, arrachent la peau des ennemis vaincus pour s’en faire des vêtements.

Les Alains sont aussi connus pour scalper leurs adversaires et en attacher les cheveux à leur monture. Dans les confins orientaux du monde alain, on s’adonnerait même à l’anthropophagie.
C’est le témoignage d’un Romain, Ammien Marcellin, qui nous a fait connaître les coutumes de ce peuple. Jugement d’un Romain raffiné qui jette un regard impitoyable sur les mœurs alaines.

La rusticité de leurs cultes l’épouvante : « la religion chez eux n’a ni temple ni édifice consacré, pas même une chapelle de chaume. Un glaive nu, fiché en terre, devient l’em- blème de Mars ; c’est la divinité suprême, et l’autel de leur dévotion barbare ». D’ailleurs, parvenir à la vieillesse dans ce peuple guerrier est un déshonneur, le stigmate de la lâcheté. L’archéologue Iaroslav Lebedynsky a aussi affirmé que les Alains adoraient les divinités du feu et du soleil.

Quant à leur aspect physique, il confirme leur parenté lointaine d’avec les Aryas :
« Les Alains sont généralement beaux et de belle taille et leurs cheveux tirent vers le blond ».(1)Toujours selon Ammien Marcellin
Au XXe siècle, les archéologues ont identifié les descendants des Alains avec la nation ossète sur les contreforts du Caucase. A cause de leur apparence nordique, les archéo- logues allemands les appelaient les « Germains du Caucase ».

Les Sarmates, dont sont issus   les Alains ont aussi laissé leur empreinte en Gaule. De race indo- iranienne, ils sont aussi des proches cousins des Aryas.

A la fin du IIIe siècle de notre ère, Rome mène en Gaule une politique systématique de colonisa- tion des zones dépeuplées. On appelle les colons les Lètes. Ce sont en majorité des Francs et des Frisons, mais aussi des Sarmates, employés comme corps auxiliaires pour garder les voies romaines. On connaît trois lieux de peuplement : Salmaise en Cote d’Or, Sermaise dans la Nièvre et Sermaize dans la Marne.

Les Alains sont des cavaliers nomades : « les hommes faits, rompus dès l’enfance à l’équitation, regardent comme un déshonneur de se servir de leurs pieds »(2)Idem.. Ils ignorent le travail de la terre, leurs maisons sont des chariots couverts d’écorce.

Pourquoi vont-ils fondre sur la Gaule?

L’arrivée des Huns contraint les Alains à fuir avec les Wisigoths et les Ostrogoths vers      l’Empire romain.
Précisons au passage que contraire- ment à l’opinion répandue en Occident, les Huns n’étaient pas majoritairement de race asiatique, puisque seul un quart d’entre eux présentaient des traits mongoloïdes, d’après les travaux de l’archéologie(3)Spécialement ceux d’Istvan Boba. La majorité était donc vraisemblablement des Blancs de race turque.
Cette poussée hunnique les mène en Germanie.

Le 31 décembre 406, 50 000 Alains franchissent le Rhin gelé sous l’égide du roi Goar. Ils écrasent les colons francs dirigés par le duc de Mayence et emportent Strasbourg, Reims, Amiens, Arras. En 408, les Alains suivent les Vandales et franchissent la Loire.

Cependant, et c’est là que les Alains entrent pleinement dans l’histoire du peuplement de la Gaule, une partie des tribus alaines accepte de se soumettre à l’autorité de Rome et sont installés par Aetius autour de la Loire et d’Orléans. On évalue le nombre de ces coalisés à 15 000. Une centaine de localités dans l’Orléanais gardent le souvenir de l’épopée alaine : Allaines, Alainville, Allaincourt…

Une autre partie, sous l’autorité du roi Sambida, s’installe le long du Rhône, près de Valence.
Les Alains sont employés comme mercenaires par les Romains.
De 445 à 448, placés sous l’autorité d’Eochar, ils répriment une révolte en Armorique.

En 451 ils contraignent les Huns d’Attila à mettre le siège devant Orléans. La même année, leur cavalerie lourde est au centre du dispositif militaire romain aux Champs catalauniques, elle y fait des prodiges.
D’autres Alains poursuivront leur route loin vers le sud. S’arrêtant momentanément en Galice, ils créeront avec les Vandales un État barbare en Afrique du nord.

Jean Dartois

[tiré de L’Héritage n°3]

Notes   [ + ]

1. Toujours selon Ammien Marcellin
2. Idem.
3. Spécialement ceux d’Istvan Boba

Le Bien commun

par E. H. le Bouteiller

La notion de « bien commun » est ignorée du plus grand nombre et il n’en est guère question dans le vocabulaire des partis ou des penseurs politiques célèbres. Cependant, ceux qui l’invoquent, autour de la formule « l’action politique doit avant tout être au service du bien commun », la disent primordiale.

Cette notion relève de la philosophie politique héritée d’Aristote, et fut développée par ses commentateurs médiévaux. Elle a été totalement abandonnée de la pensée politique, mais l’Eglise continue de la considérer comme capitale dans sa doctrine sociale. Dans les milieux catholiques traditionnels, on a ainsi l’habitude de présenter des conférences de formation politique en définissant le bien commun comme finalité de la société civile. La fin étant la cause des causes selon Aristote, le bien commun est conçu comme fondamental en effet. Mais la tradition de philosophie politique a été tellement malmenée et ignorée depuis des décennies que beaucoup de ceux qui utilisent l’expression de bien commun ne savent plus ce qu’elle signifie. Beaucoup l’évoquent à leur gré sans la connaître : c’est ainsi qu’on l’identifie tantôt avec l’intérêt général, tantôt avec l’ordre public ou bien un idéal de perfection chrétienne des citoyens, ou encore avec les conditions de leur épanouissement individuel.
Qu’en est-il réellement dans une pensée politique aristotélicienne, qui s’enracine dans la définition de ce que sont la vérité et le bien de l’homme ?

Le bien commun est la cause finale de la société

Au début de la Politique,  Aristote définit le bien commun comme la fin de la société. Mais il ne définit que très sommairement ce terme de bien commun qu’il considère sans doute comme évident. Il précise cependant que la vie heureuse est la fin de la société(1)Aristote, Politique, livre III chap 6.. Le bien commun est donc le bonheur commun des hommes vivant ensemble. Dans l’Ethique, la fin de l’agir personnel était déjà le bonheur, ce qui donnait son sens et son but à la morale individuelle. La politique étant du même ordre que l’éthique — celui des sciences pratiques —, il est logique que ce soit également le bonheur qui soit l’objectif, en considérant l’ordre et l’ajustement de l’agir des hommes, cette fois-ci en tant qu’ils vivent ensemble.

Qu’entend Aristote en parlant de « bien », associé au bonheur ?

En philosophie de la nature, le mot « bien » désigne l’accomplissement de la puissance d’une chose : le bien s’identifie à ce vers quoi les choses tendent en conformité avec ce qu’elles sont et doivent être. Par exemple, grandir et apprendre sont le bien de l’enfant qui évolue vers son état adulte ; et ses activités seront bonnes dans la mesure où elles lui permettent de poursuivre ce but qui est la croissance de son être. Une chose se met naturellement en mouvement vers ce qui lui est bon et représente son bien : le bien et la finalité se correspondent. Ainsi, le bien de la société sera sa cause finale, c’est-à-dire ce vers quoi elle doit tendre.(2)se référer au numéro 8 de L’Héritage (page 7) sur « les quatre causes ». En ligne ici. Le bien commun donne son sens à la vie sociale, car si une chose ne se développe pas en fonction de son but elle est vaine et absurde, comme une chaise qui serait conçue par un menuisier ignorant que sa création servira à s’asseoir.

Saint Thomas d’Aquin définit dans son commentaire de l’Ethique : « La fin de la politique est le bien humain, c’est-à-dire ce qu’il y a de meilleur dans les choses humaines. » Ce bonheur terrestre aussi complet et aussi parfait que possible est celui de toute une multitude humaine formant un ensemble. Il correspondra à la synthèse de ce que les bons citoyens doivent désirer de meilleur à leur patrie.(3)Cf R.P. de Broglie, la doctrine de saint Thomas sur le fondement communautaire de la chasteté, AFS n°90.

La société est un tout d’ordre dont chaque citoyen est une partie

LIRE LA SUITE DE CET ARTICLE DANS L’HÉRITAGE N°10 :

Notes   [ + ]

1. Aristote, Politique, livre III chap 6.
2. se référer au numéro 8 de L’Héritage (page 7) sur « les quatre causes ». En ligne ici.
3. Cf R.P. de Broglie, la doctrine de saint Thomas sur le fondement communautaire de la chasteté, AFS n°90.

1924-1925 : une folle année

Histoire des étudiants nationalistes à Paris

par Jean Dartois

Bagarre politique dans une rue de Paris, vers 1910. Fréquent, à l’époque.

Nous entreprenons la poursuite de notre chronique des combats nationalistes en milieu estudiantin par le récit d’une année universitaire au Quartier Latin dans les années 20. A l’époque, l’année commençait en novembre, car les vendanges requéraient une main d’œuvre jeune et industrieuse. A la rentrée, l’étudiant retrouvait une faculté sereine, purifiée par l’air vivifiant du patriotisme. Aux dires de la presse marxiste, la « jeunesse dorée » avait fait des universités des citadelles réactionnaires.

Le phénomène n’était d’ailleurs pas le seul fait de la jeunesse française L’idée nationaliste recevait un large écho dans l’ensemble des universités d’Europe. En Italie, à l’instar d’Italo Balbo, nombre d’étudiants avaient rejoint les Faisceaux, ce qui était aussi une façon pour eux de financer leurs études en alliant l’utile à l’agréable, puisque les grands propriétaires de Ferrare payaient les squadristes(1)Membre des « milices » fascistes. Le mot vient de squadre d’azione (littéralement : « escouades d’action ») d’où le nom de squadrismo. Peu soucieux de légalité, les squadristes constituaient les troupes de combat de ce mouvement. disposés à «nettoyer» des latifundia. En Allemagne, les étudiants se passionnaient pour l’aventure des corps francs, défenseurs d’un espace germanique menacé. Le souvenir des héros tombés à Langemark planait dans les Burschenshaften, les corporations étudiantes. La Hongrie mutilée donnait aussi dans la défense d’un certain idéal. « Turul » , du nom de l’oiseau légendaire magyar, rassemblait les étudiants désireux d’en imposer aux apatrides. Les universités de l’Europe entière étaient traversées d’un même souffle. Toutes haïssaient toutes le bolchévisme, « cette maladie qui ne prospère que sur les tissus malades ».

Dans la France victorieuse de 1919, la jeunesse des facultés était réceptive aux thèses de l’Action française.

Venons-en à la situation politique. En 1924, la chambre « bleu horizon » tient du passé. Le Cartel des gauches est aux commandes et s’efforce de tarir le bel élan patriote et spirituel qui avait soulevé la France en 1919. Il n’est plus question de ranimer la foi ancestrale des Français, mais de raviver l’abject matérialisme des Lumières. On vote la suppression de l’ambassade au Vatican et l’on reconnaît l’URSS. Le 23 novembre 1924, le cabinet radical procède au dépôt des cendres de Jaurès au Panthéon. 50 000 communistes défilent silencieusement, des centaines de drapeaux rouges à la main, au cœur du Quartier étudiant, longeant le boulevard Saint-Germain et le boulevard saint-Michel. De leur côté, des étudiants d’AF et des Jeunesses Patriotes organisent une marche vers la tombe de Marius Plateau, responsable de Camelots assassiné l’année précédente par une folle anarchiste, Germaine Berton(2) Bien qu’ayant avoué son crime, elle fut acquittée lors de son procès !. Le défilé nationaliste est assez peu suivi.

Bagarres au Quartier Latin

Les événements étudiants éclateront en mars 1925.
Le « vomissement politique », pour employer l’expression gauloise et quelque peu ordurière de Léon Daudet est la marque de cette année. Pour empêcher un professeur – Georges Scelle, ennemi farouche de la cause nationale – d’enseigner, les étudiants créent un climat d’agitation dans les locaux de la faculté de Droit, place du Panthéon. La police intervient une première fois le 9 mars, elle reviendra le 28 mars 1925, où la violence atteindra son paroxysme, avec une centaine de blessés dans le camp des étudiants, et 11 chez les forces de l’ordre.
L’association générale des Étudiants de Paris déclenche une grève qui gagnera les universités de province.
Il faut se représenter le climat de cette occupation de locaux. Il est amusant et cocasse. C’est en relisant le récit alerte de cet épisode dans les livraisons de l’AF que l’on en saisit la couleur. Maurice Pujo, compagnon des étudiants se fait le rapporteur frémissant de ce joyeux tumulte. Les étudiants chantent une composition destinée à décrier le petit ministre François-Albert, le « ministricule » : « t’es bien trop petit, mon ami… ».  Les slogans ont le cachet des années 20 : « Conspuez Scelle, conspuez ! »
Une chose cependant n’a pas changé : la disposition innée des « fafs » à la bagarre. Lorsque, place du Panthéon, les communistes, protégés par un cordon de police, hurlent l’Internationale, les étudiants fondent sur eux.

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Notes   [ + ]

1. Membre des « milices » fascistes. Le mot vient de squadre d’azione (littéralement : « escouades d’action ») d’où le nom de squadrismo. Peu soucieux de légalité, les squadristes constituaient les troupes de combat de ce mouvement.
2. Bien qu’ayant avoué son crime, elle fut acquittée lors de son procès !

Sainte Jeanne d’Arc, modèle de sainteté politique

par l’abbé Bruno Schaeffer

L’histoire et la mission de Sainte Jeanne d’Arc comportent tous les éléments éclairant notre combat politique, elles suivent l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, les croisant dans la devise célèbre de notre héroïne nationale : « Messire Dieu premier servi ».

Cet ordre, c’est d’abord la naissance dans une famille chrétienne, dans l’éducation maternelle, avec l’appui d’une paroisse chrétienne, de la doctrine et des sacrements. Tel est l’ordre établi par Dieu, dans sa création et dans sa grâce.

Le deuxième miracle, si l’on peut dire, c’est le recours aux institutions légitimes de la nation française, la monarchie avec sa loi de succession, son caractère surnaturel  continué dans le sacre.  Enfin le prix de cette restauration de l’ordre temporel, c’est le sacrifice rédempteur de Jeanne, l’amour de Dieu l’emporte définitivement sur l’amour d’elle-même dans les flammes du bûcher de Rouen.

Nous pouvons être fiers et disciples de notre héroïne nationale, nous avons à apprendre d’elle la sainteté, elle éclate dans la limpidité d’une âme aimant Dieu sans retour sur elle-même dans l’obéissance et la docilité jusqu’à la fin de sa vie. Elle est l’instrument dans les mains de Dieu pour le salut de la France occupée par les Anglais, réduite à l’autorité d’un Dauphin en déroute et doutant de lui-même. La réponse vient d’un cœur de vingt ans résolu de tout souffrir pour accomplir la tâche assignée à sa faiblesse par le Bon Dieu. Son audace et son courage, Jeanne les puisent dans un renoncement à toutes les choses terrestres, dans son attachement à Dieu seul : « Je m’en remets de tout à Dieu pour créateur, dira-t-elle à ses juges, je l’aime de tout mon cœur, je m’en remets à mon juge, c’est le roi du ciel et de la terre ». Elle-même dans ses paroles définit sa sainteté. Don total de Jeanne parce qu’elle a entendu dans son coeur et sur son pays souffler la voix de Dieu.

En ce XVe siècle troublé, Dieu voulait une vierge inspirée pour redresser les voies de la Chrétienté en péril. Il se choisit une petite paysanne pour triompher au mépris des diplomates, des savants et des grands de ce monde. La marque divine est assurée. Une jeune paysanne de dix-sept ans pouvait-elle sans la volonté d’en haut affronter les hommes de guerre et ceux du pouvoir ?  Traverserles combats et les bandes de pillards, aller sur les grands chemins, les rivières, forcer les ponts-levis et aller jusqu’au Roi ? Combattante, elle se jette sur les bastides anglaises, elle entraîne les hommes d’armes pourris par les cantonnements des arrières. Elle renverse les intrigues, les inerties, les trahisons pour conduire à Reims un pauvre prince et en faire un roi. Puis, à 19 ans, elle se retrouve en prison les fers aux pieds, privée de la Sainte Eucharistie, un an de cachot, trois mois de procès, puis ce supplice l’horrifiant,  le feu où elle va mourir, s’écriant entre deux invocations du nom de Jésus « Mes voix étaient bien de Dieu ». Elle persiste jusque dans la mort par le témoignage de sa foi.

Telle est l’épopée de Jeanne, ses victoires, sa prison et sa mort. Le lien entre l’obéissance et la charité resplendit dans sa docilité et son humilité. « Sans la grâce de Dieu, déclare-t-elle, je ne saurais rien faire, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par commandement de Notre-Seigneur ». Nous découvrirons ensemble Jeanne comme modèle de perfection chrétienne et comme sainte politique.

Jeanne, modèle de perfection chrétienne

Dieu est à l’œuvre. Jeanne a 12 ans, elle garde les troupeaux familiaux. Une voix du ciel l’avertit : « Jeanne, tu es celle que le Roi du Ciel a choisi pour le relèvement du Royaume de France. Le Roi du Ciel l’ordonne et le veut, la volonté qui s’accomplit dans le ciel, s’accomplira sur la terre ». Il en résulte chez Jeanne une plus grande piété prouvant que le ciel lui donne son éducation spirituelle. De Saint Michel, elle apprend la grande pitié du Royaume de France, en même temps elle reçoit une préparation aux objectifs politiques et militaires. Si bien que lorsque vient le moment de partir, elle ne s’étonne de rien, elle sait comme elle doit agir dans les conseils politiques comme sur les champs de batailles. « Je suis née pour cela », elle l’affirme : « Il faut que j’aille vers le Gentil Dauphin, c’est la volonté du Seigneur, le roi du ciel, que j’aille vers lui, dussé-je m’user les jambes jusqu’aux genoux ». A l’heure du départ, elle dit clairement à Jean de Metz : « Il n’est personne au monde, ni roi, ni duc, ni fille du roi d’Ecosse, ni autres qui puissent secourir le royaume de France. Il n’y a de secours à espérer que de moi ».

Sa mission politique lui est dictée d’en haut, elle la reçoit dans l’humilité, la Providence indique tout. Les obstacles ne l’effrayent point. « Quand j’eusse eu cent pères et cent mères et que je fusse fille de Roi, je serai partie ». Elle en témoigne lors au procès car « mes dits et mes faits sont de la part de Dieu ». Dans cette soumission à la volonté divine, elle puise la force de passer outre aux tendresses familiales. Pour suivre ses voix, elle s’arrache aux siens « Va, fille de France ». Elle va, passant outre les dires des juristes, des conseillers et des politiciens à l’affût des trêves, « Vous avez été à votre conseil, leur rétorque-t-elle, j’ai été au mien qui vaut mieux que le vôtre ». Il lui faudra parler devant les grands, ne rien céder à l’opposition des puissants, à l’inertie du Roi. Elle affronte les autorités prêtes aux compromis, elle menace le roi étranger, remonte le moral des populations abattues et impose à l’armée le respect de Dieu.

La foi de Jeanne emporte tout, communicative elle devient irrésistible. Elle a parfaitement compris que c’est le péché mortel qui fait perdre les batailles. Aux hommes d’armes déjà surpris d’avoir à s’enrôler sous la bannière d’une jeune fille, elle impose « qu’ils se missent en état d’entrer en la grâce de Dieu et que s’ils sont en bon état avec l’aide de Dieu, ils obtiendront la victoire ». La veille du grand combat d’Orléans, elle fit publier que « nul n’alla le lendemain à l’assaut s’en s’être présenté à confesse ». Aussitôt, la victoire remportée, elle envoie son chapelain « avertir publiquement tous les hommes d’armes de confesser leurs péchés et de rendre grâce à Dieu de leur victoire. Sans quoi, elle ne resterait pas parmi eux, et les laisserait là ». Devant Paris, c’est la retraite imbécile, « la ville eut été prise » soutient Jeanne mais l’archevêque de Reims est là, il prêche la modération : « Composons, composons, la paix, la paix ». Le lendemain, Jeanne sentant la trahison, sa mission change de forme. Ses ennemis la disent sorcière, la volonté royale s’embrouille dans les compositions diplomatiques. Sous les remparts de Melun, une voix lui souffle « Il faut que tu sois prise ».
Dans la perspective du procès devenu le mémorial de ses victoires et de sa passion, le témoignage de cette charité supérieure suprême où la vie s’offre à l’exemple du Christ au calvaire.

Elle sera brûlée vive pour n’avoir pas voulu renier cette mission surnaturelle dans le temps. Cette jeune fille sans instruction va tout de même tenir tête à cinquante huit juges. Elle triomphe des pièges des théologiens, des canonistes. L’un de ses juges s’en aperçut « Je pense que ce n’est pas elle qui parlait, mais qu’en elle parlait l’Esprit ». Elle admoneste vivement Cauchon : « Evêque, vous dites que vous êtes bon juge, prenez garde à ce que vous faites, car en vérité je suis envoyée de Dieu et vous vous mettez en grand danger ». Au moment de partir au bûcher, elle s’écrie à nouveau : « Si je ne disais que Dieu m’a envoyé, je me damnerai, Dieu aidant, j’espère aller en paradis ».

Telle est l’âme de Jeanne, en elle retentit le Fiat de la Sainte Vierge, tout y est relatif à Dieu.

Jeanne, Sainte politique

Dieu a fait d’elle la grande sainte de la charité politique, pour appeler à sa suite toutes nos nations à reprendre le chemin du bien commun ouvrant sur le bonheur du ciel. « Tu es phare de civilisation, proclame Pie XII, et l’Europe civilisée et le monde te doivent ce qu’il y a de plus sacré et de plus sain ; de plus sage et de plus honnête chez tous les peuples, ce qui exalte et fait la beauté de leur histoire ». Nous le croyons et l’espérons comme une extrême nécessité. « J’eus cette volonté de croire » avoue Jeanne.

LIRE LA SUITE DANS L’HÉRITAGE N°9 :

Antonio de Oliveira Salazar – entretien avec Jean-Claude Rolinat

Antonio de Oliveira Salazar (1889-1970) fut le chef de l’Etat — nationaliste et catholique — portugais durant quarante-deux ans (record européen dans la catégorie des « méchants dictateurs »).
Réputé pour son humilité et son mode de vie particulièrement sobre, il a tenté de mener une politique conforme à la doctrine sociale de l’Eglise.
Au sujet de cette personnalité finalement assez peu connue, on avait surtout la biographie de Jacques Ploncard d’Assac.(1)Salazar, éditions DMM, 1983. 364 pages, 24 €. Disponible ici.
Elle vient d’être complétée par un ouvrage bref mais dense et fort instructif, signé de Jean-Claude Rolinat : Salazar, le regretté.(2)Editions Les Bouquins de Synthèse nationale, 2012. 164 pages, 18 €. Disponible ici.
Celui de Ploncard est sans doute plus détaillé et fait de longues considérations politiques qu’il est nécessaire de replacer dans le contexte de l’époque (il fut écrit au début des années 60) pour les comprendre. Il est assez précis et fournit beaucoup de détails vécus par l’auteur.
Afficher l'image d'origineLe livre de Jean-Claude Rolinat, récemment paru, est plus facile à lire. Il va à l’essentiel et permet de comprendre l’histoire du Doutor (il était ainsi appelé par ses partisans) ainsi que celle du Portugal du XXe siècle.
C’est un livre destiné à la « vulgarisation », aisément compréhensible. En dépit de ce que son titre peut laisser croire, il  ne s’agit pas d’une hagiographie mais d’un texte à la fois synthétique et précis sur l’homme, sa vie, son œuvre, sa politique, et, à travers tout cela, sur une page de l’histoire du Portugal.

Jacques Meunier

L’Héritage : d’où vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?

Jean-Claude Rolinat : Oliveira  Salazar m’a toujours intéressé et  intrigué comme personnage historique. Au tout début des années soixante, alors que j’étais un très jeune adulte, l’Algérie française mourait. En même temps, les provinces portugaises d’outre-mer, selon la terminologie officielle de Lisbonne, étaient agressées par la subversion marxiste qui entretenait des guérillas naissantes : PAIGC en Guinée Bissau, UPA, puis MPLA prosoviétique et UNITA prochinoise (avant de devenir l’instrument des occidentaux comme le FNLA   d’ailleurs, lors de l’indépendance en 1975), sans oublier le FRELIMO au Mozambique. Le Portugal, héroïque petit pays à la tête d’un Empire gigantesque, multi-ethnique et pluri-continental, m’apparaissait alors comme le continuateur dans ses possessions de ce que nous avions raté dans les nôtres. J’étais jeune et je n’avais pas bien analysé à l’époque les rapports de force et les évolutions démographiques… Visitant ce pays à la pointe occidentale de l’Europe, je me suis plongé dans la lecture de sa…constitution, j’ai observé avec  attention le fonctionnement et l’évolution de ses institutions, j’ai lu « Salazar dans le texte », des écrits très Maurrassiens d’esprit, — d’ailleurs les deux hommes  ont entretenu une correspondance suivie —,bref dans l’ambiance gaulliste du désengagement français de son Empire, le Portugal me « vengeait » en quelque sorte par procuration !

Comment caractériseriez-vous le régime de Salazar et en quoi se distingue-t-il de ceux de Mussolini et Franco ?

Afficher l'image d'origineJ-C R. : La seule ressemblance avec le régime de Benito  Mussolini est dans l’adoption du corporatisme pour l’organisation économique et sociale. Même si l’Union Nationale, la future Action Nationale Populaire était de fait le parti unique comme pouvait l’être le Parti fasciste à Rome, la constitution portugaise restait dans la lettre une loi fondamentale d’esprit parlementaire, avec le jeu  rituel des élections. Pas de culte de la personnalité semblable à celui qui entourait le leader italien, contrairement à ce dernier peu de rassemblements de foules à haranguer. Même remarque vis-à-vis du franquisme, système politique reposant sur un homme fédérant toutes les tendances du Movimiento. Par contre, ce qui rapprochait les deux pays de la péninsule ibérique, c’était la place prépondérante de l’Eglise  dans la société, l’exaltation du patriotisme et un farouche anticommunisme.

Et comment caractériseriez-vous l’homme lui-même ?

J-C R. : Oliveira Salazar, né le  28 avril 1889  dans une famille modeste, était un intellectuel brillant, très pieux, austère et travailleur, d’une probité inattaquable,  cette dernière vertu étant sous nos cieux et à notre époque, vous me l’accorderez, plutôt rare ! Il avait une très haute idée de sa fonction. Appelé une première fois aux affaires par les militaires en 1926, il lui fallut attendre d’avoir les pleins pouvoirs en 1932 pour instaurer en mars 1933 l’Estado Novo après un plébiscite électoralement gagné. Le  pays sortait d’une longue crise politique après l’assassinat du Roi et de son héritier en 1908 et l’instabilité des gouvernements républicains successifs. De gré ou de force, il allait rendre le Portugal  gouvernable : « Les institutions et les lois doivent fonctionner de telle manière qu’elles obligent à être patriote quiconque ne l’est pas par discipline ou par vertu », disait-il. Vous imaginez les réactions si un responsable politique tenait un tel discours de nos jours ce qui dénote, en passant, la spirale de décadence dans laquelle nous tourbillonnons ! La vérité c’était que le Portugal était ingouvernable et qu’il lui fallait, pour progresser, un homme à poigne. Salazar fut cet homme-là. Solitaire tout en étant proche du petit peuple et contrairement au  général Franco qui industrialisa massivement l’Espagne, l’ancien séminariste, l’universitaire de Coïmbra qui craignait un monde ouvrier syndicalisé, un prolétariat revendicatif, misait plutôt sur la petite paysannerie : « un arpent de vignes et une paire de bœufs »…

Que pensez-vous de l’argument courant selon lequel le salazarisme a plongé ou maintenu le Portugal dans la pauvreté ?

LIRE LA SUITE DE CET ENTRETIEN DANS L’HÉRITAGE N°8 :

Notes   [ + ]

1. Salazar, éditions DMM, 1983. 364 pages, 24 €. Disponible ici.
2. Editions Les Bouquins de Synthèse nationale, 2012. 164 pages, 18 €. Disponible ici.

Saint Louis

Par Angélique Provost

Sa vie

C’est le 25 avril 1214, à Poissy, que Blanche de Castille et Louis VIII donnèrent naissance à leur bien-aimé fils Louis. L’enfant  ne grandira que douze ans aux côtés de son père, avant de se voir octroyer les fonctions royales, à la cathédrale de Reims, le 26 novembre 1226. Fonctions alors remises à sa pieuse mère jusqu’à sa majorité.

Ces neuf années de régence furent également celles de l’éducation du futur monarque à l’école de Blanche de Castille. Chacun sait la tendre rigueur avec laquelle elle éleva son enfant, à travers son précepte premier : « Mon fils, je préfèrerais vous voir mort à mes pieds que de vous savoir coupable d’un seul péché mortel ».

Sa majorité venue, chacun put en mesurer l’efficacité : à vingt-et-un ans, Louis était roi, actif, ferme, pondéré et juste, digne héritier de la lignée capétienne dont il était issu. Sa fermeté lui fit tenir tête aux évêques de son royaume lorsque ce fut nécessaire. Il ne se laissa pas impressionner par le statut de prélat. Dans un souci de justice, il punissait ceux qui abusaient de leur autorité spirituelle dans le royaume temporel, malgré la protection que leur accordait le pape Grégoire IX. Il savait cependant faire preuve du respect et de la soumission dus au Saint Père. Innocent IV — sous le pontificat duquel notre bon roi dut faire face aux querelles entre le Sacerdoce et l’Empire, mais aussi à la croisade —, couvrit le souverain d’éloges (scène émouvante que Louis Jean François Lagrenée mit en peinture) : « C’est vous, notre très cher fils, vous, le prince le plus glorieux de l’univers devant Dieu et devant les hommes (…) qui avez décidé de venir immédiatement à notre secours… »

Louis fut un roi sainement ambitieux. Affranchi de la tutelle maternelle en 1242, il ouvrit alors une ère de traités, d’agrandissement du territoire et de réconciliation. Il matta la révolte des seigneurs du Midi le 30 octobre 1242 en signant le traité de Lorris avec Raymond VII. Celui-ci renonça à Narbonne et Albi et s’engagea à combattre l’hérésie cathare. Quelque années plus tard, le 28 mai 1258, le roi d’Angleterre Henri III Plantagenêt et le roi de France Louis IX signèrent le traité de Paris, mettant ainsi fin à un conflit datant de plus d’un siècle. Enfin, par le traité de Corbeil du 11 mai 1258, Louis IX abandonna sa suzeraineté sur Barcelone et le Roussillon. En échange, Jacques Ier d’Aragon renonça à ses droits sur la Provence et le Languedoc. Pour sceller ce traité, Louis IX maria sa fille Blanche avec l’infant de Castille, Ferdinand de la Cerda, et Jacques Ier d’Aragon maria la sienne, l’infante Isabelle, avec le fils de Louis IX, le futur Philippe III.

En décembre 1244, le roi Louis IX tomba gravement malade et sentit venir la mort. En cas de guérison, il promit à Dieu de partir en croisade. Quelques semaines plus tard, son rétablissement fut miraculeux : il tiendra parole. Malgré les tentatives de dissuasion d’une mère aimante, rétabli, le roi s’apprêta à partir pour les royaumes chrétiens d’Orient en difficulté. C’est le 12 juin 1248, que saint Louis, roi de France, brandit l’oriflamme de ses ancêtres capétiens en la basilique de Saint-Denis et part avec son épouse la reine Marguerite de Provence, et ses trois frères, Robert Ier d’Artois, Charles d’Anjou et Alphonse de Poitiers.

Cette première croisade sera marquée par la captivité du roi Louis : une première dans l’histoire de France. Avec la plupart de ses soldats, il sera fait prisonnier par les mamelouks, maîtres de l’Egypte, au cours de la bataille de Fariskur. C’est à l’Ordre du Temple qu’ils durent une libération coûteuse, en mai 1250, un mois après le début de leur captivité.

LIRE LA SUITE DE CET ARTICLE DANS L’HÉRITAGE n°10 :

Les quatre causes

Il peut être utile de présenter quelques précisions sur le vocabulaire philosophique.

A la suite d’Aristote, saint Thomas d’Aquin recourt aux « quatre causes », qui permettent d’analyser précisément « tout être corporel substantiel, quel qu’il soit » : les causes matérielle, formelle, efficiente et finale.

– La cause matérielle est ce qui, dans le sujet, est susceptible de recevoir une détermination : la matière utilisée.
– La cause formelle est ce en quoi l’effet est, ce qui fait qu’il est ce qu’il est ; c’est ce que l’être représente, la définition de la chose.
– La cause efficiente est ce qui effectue le changement ;
– La cause finale est ce vers quoi le changement se produit.

Les deux premières causes sont dites « intrinsèques » en ce qu’elles constituent le sujet en son être même, et les deux dernières causes sont dites « extrinsèques », car elles ne sont pas constitutives de l’être de la chose.
Prenons un exemple pour illustrer cela.

Soit un sculpteur travaillant un bloc de marbre ; ce dernier est la matière : elle est informe (par rapport à l’objet désiré).
L’artiste taille le bloc, à l’aide de son burin : il lui donne une forme et en fait, par exemple, une statue. Matière et forme sont les causes intrinsèques ou internes à l’objet.
Le sculpteur qui impose la forme à la matière est, quant à lui, la cause efficiente.
Si l’on veut cerner complètement la réalité, il convient de distinguer à côté du sculpteur – cause efficiente -, le burin dont il se sert, et qui reçoit le nom de cause instrumentale. Mais cette statue a un but : décorer une pièce, par exemple ; c’est la cause finale.
Cause efficiente et cause finale sont extérieures à l’objet, c’est pourquoi les philosophes les nomment extrinsèques.

[tiré de L’Héritage n°8]


Saint Michel

La connaissance de Saint Michel et a fortiori la dévotion envers lui se tarissent toujours davantage au royaume des lys.
C’est une chose grave : d’abord parce qu’il occupe une place éminente dans le plan divin, et ensuite parce qu’il a une relation privilégiée avec notre nation.

Saint Michel, prince des armées de Dieu

Puisque leur confrontation est le premier fait qui nous est connu de l’archange, il est impossible de parler de Saint Michel sans évoquer Lucifer.
Ce dernier était la plus belle, la plus grande de toutes ces créatures purement spirituelles que sont les anges.

Les Docteurs lui appliquent le passage suivant d’Ezéchiel :
« Tu étais l’empreinte de la ressemblance de ton Créateur, tu étais plein de sagesse et parfait en beauté. Tu étais dans les délices du paradis de Dieu.
Toutes les pierreries ornaient ton vêtement : la sardoine, la topaze, le jaspe, la chrysolithe, l’onyx, le béryl, le saphir, l’escarboucle et l’émeraude.(1)Ces neuf pierres représentent les dons distribués entre les neuf chœurs des anges, et que Lucifer comme leur chef possédait à lui seul.
L’or brillait sur tes vêtements et toutes sortes d’instruments de musique ont été préparés pour célébrer ta naissance.
Tu étais comme les chérubins à l’aile puissante et protectrice.
Et je t’ai placé sur la montagne sainte de Dieu, tu as marché parmi les pierres de feu.(2)C’est-à-dire qu’il occupait parmi les êtres créés jusque-là la première place.
En un mot, tu étais parfait dans tes voies dès le jour de la création, jusqu’au moment où l’iniquité s’est trouvée en toi. » (Ezéchiel XXVIII, 12-15).

Ebloui par son immense puissance, il se rebella contre Dieu et prononça son fameux “non serviam” (“je ne servirai pas”), probablement en prenant connaissance du projet de l’Incarnation, et refusant par orgueil d’adorer un Dieu-Homme.
Il entraîna dans sa chute une grande quantité d’anges, un tiers, d’après la tradition.(3)En se basant sur ce passage de l’Apocalypse (XII, 3-4) : « un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. » Les anges sont souvent comparés aux étoiles dans la Bible, puisqu’ils appartiennent tous à un « monde céleste ».

S’en suivit un grand combat entre les créatures spirituelles, pour lequel Michel prit la tête des anges fidèles. Dieu jugea indigne de lui d’employer Sa main toute-puissante pour frapper des ennemis qui, en Sa présence, n’étaient que néant ; Il voulut leur infliger l’humiliation d’être vaincus par leurs égaux ; Il voulut laisser à Ses amis le mérite et la gloire de Le venger et de Lui montrer leur fidélité.
Michel répondit à Lucifer en s’écriant “Quis ut Deus ?” (“Qui est semblable à Dieu?”), rappelant la vanité absolue de l’orgueil et de toute rébellion contre Dieu. Ce cri lui donna son nom et sa devise.

Humilité et fidélité caractérisent Saint Michel.

Saint Michel et son armée triomphèrent des révoltés, qu’on appellera désormais les démons :
« Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. » (Apocalypse XII, 7-9)

Michel prit dès lors le titre de prince de la milice céleste, et devint le champion des gens de Dieu contre les forces des Ténèbres (il est d’ailleurs particulièrement invoqué lors des exorcismes). Il est naturellement le saint patron des guerriers, comme de nombreux corps de métiers.

Saint Michel, protecteur du peuple de Dieu

Il est chargé de la défense des droits de Dieu, de son peuple, et de son épouse, la sainte Eglise.(4)L’archange Gabriel dit au prophète Daniel : « Michel se tient constamment debout pour la défense du peuple de Dieu ».

Quand le féroce Attila, après avoir semé la terreur parmi les peuples, arriva devant un faible vieillard, le pape saint Léon, aux portes de Rome, il eut une apparition qu’il décrivit à ses hordes barbares : « J’ai vu, à côté du vieillard, un personnage revêtu d’habits sacerdotaux, avec une épée nue et un air si terrible que j’en ai été effrayé ». C’était saint Michel, protecteur du souverain Pontife et de l’Eglise.

Saint Michel, « psychopompe »

Cet adjectif signifie qu’il est chargé de mener les âmes des morts à leur dernière demeure après le Jugement. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il est cité dans l’offertoire de la messe des défunts.

Devant peser les âmes des trépassés, il est souvent représenté tenant une balance à la main. Après le Christ, bien sûr, il tient la seconde place lors du Jugement dernier.
S’appuyant sur saint Thomas, Bellarmin et Suarez déclarent que saint Michel est l’Ange patron de la bonne mort. Ce rôle supérieur justifie donc une fervente dévotion à Saint Michel, réputé pour être très soucieux du salut de ceux qui lui rendent un culte. On lui impute ainsi plusieurs miracles permettant à certains de ses serviteurs de voir leur mort reculée de quelques jours, leur laissant le temps de s’y préparer.

Cette bienveillance active explique l’étonnante parole de Saint Alphonse de Liguori : « la dévotion à saint Michel est un signe de prédestination ».


Saint Michel pesant les âmes.
A gauche, le Diable, aidé d’un démon, tente de perturber l’archange et de faire pencher la balance de son côté, en vain.

Saint Michel et la France

Les véritables nations ont, comme les individus, chacune un ange tutélaire(5)Le prophète Daniel parle de l’opposition entre Saint Michel, protecteur de l’ancien Israël, et l’ange gardien de la Perse. qui a pour charge de les éclairer, de les guider et de les protéger tant qu’elles sont fidèles à la mission que le Créateur leur confie.

Or l’ange gardien de la France n’est autre que saint Michel lui-même !
Quel motif d’espérance pour tous les patriotes effrayés par l’état de putréfaction de la France ! Quel sujet de honte pour tous les traîtres catholiques qui renient notre nation, notamment au profit de chimères européistes ou séparatistes…

Quand jadis les Hébreux maintenaient tant bien que mal le vrai culte au milieu des peuples païens, Michel protégeait cette nation élue.
Puis, une fois le judaïsme ancien rendu caduc par l’avènement du Christ, il semble que ce soit à l’Empire romain, devenu chrétien, qu’échut ce rôle de « champion de Dieu » parmi les peuples. Mais les successeurs de Constantin failliront et l’Empire disparaîtra sous les invasions…
C’est ensuite le peuple franc qui va endosser le rôle glorieux « d’épée et de bouclier de l’Église ».

Le pacte est scellé près de Tolbiac, lors d’une bataille contre les Alamans, où Clovis et ses hommes sont dans une posture désespérée. Suite aux efforts, à la patience et aux prières de son épouse sainte Clotilde, le roi des Francs promet au Dieu des Chrétiens de se convertir s’il lui accorde la victoire.
Le miracle se produit(6)D’après certains auteurs, Michel apparut, combattit et terrifia les Alamans, nous donnant ainsi miraculeusement la victoire. et Clovis se fait baptiser avec ses guerriers, entraînant la conversion de tout le royaume.
La France, première nation chrétienne, prend la tête de toutes les autres.

Le pape Anastase écrit à Clovis : “Daigne le Seigneur accorder à vous et à votre royaume sa divine protection ; qu’il ordonne à saint Michel, qui est votre prince et est établi pour les enfants de votre peuple, de vous garder dans toutes vos voies, et de vous donner la victoire sur tous vos ennemis”.

Depuis, l’archange a accompagné attentivement la marche du peuple franc à travers les siècles, multipliant les interventions.

Ainsi Charles Martel enverra son épée au Mont Saint Michel, estimant avoir été assisté surnaturellement par l’ange. Pour les mêmes raisons, Charlemagne, après son expédition contre les Saxons, fera peindre l’image de St Michel sur ses drapeaux avec la devise « Voici Michel qui m’a secouru ».
De nombreux monarques français feront œuvre de piété publique envers Saint Michel, notamment en marchant vers le Mont.

Alors que tout semblait perdu pour notre nation, Saint Michel va exhorter Jeanne d’Arc(7)A cette occasion, Saint Michel se présente à la jeune bergère comme “l’ange de la France”., la guider et l’assister afin qu’elle rende à notre patrie son honneur, sa liberté et sa nationalité. D’ailleurs, d’après les chroniqueurs de l’époque, lorsque l’armée de Jeanne délivra Orléans un 8 mai (une des fêtes de Saint Michel), on vit apparaître l’ange sur le pont, au moment de l’assaut, repoussant les Anglais.

La haute qualité de « l’ange de la France » et son action passée pour elle nous rappellent la mission exceptionnelle qui est celle de notre peuple, et la place particulière que la France occupe au rang des nations.

La dévotion à Saint Michel est un devoir incontournable qui permet :
– d’honorer un être particulièrement proche de Dieu, et qui joue un rôle éminent dans la Création.
– de remercier l’ange gardien de la France et d’implorer son secours pour que notre pays soit délivré de maux difficilement guérissables.
– de s’assurer une puissante assistance dans la lutte contre les Ténèbres, et une protection précieuse, spécialement quand vient l’heure de quitter ce monde. »

Thibaut de Chassey

[tiré de L’Héritage n°3]

Notes   [ + ]

1. Ces neuf pierres représentent les dons distribués entre les neuf chœurs des anges, et que Lucifer comme leur chef possédait à lui seul.
2. C’est-à-dire qu’il occupait parmi les êtres créés jusque-là la première place.
3. En se basant sur ce passage de l’Apocalypse (XII, 3-4) : « un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. » Les anges sont souvent comparés aux étoiles dans la Bible, puisqu’ils appartiennent tous à un « monde céleste ».
4. L’archange Gabriel dit au prophète Daniel : « Michel se tient constamment debout pour la défense du peuple de Dieu ».
5. Le prophète Daniel parle de l’opposition entre Saint Michel, protecteur de l’ancien Israël, et l’ange gardien de la Perse.
6. D’après certains auteurs, Michel apparut, combattit et terrifia les Alamans, nous donnant ainsi miraculeusement la victoire.
7. A cette occasion, Saint Michel se présente à la jeune bergère comme “l’ange de la France”.

Le soleil de Bouvines

La survie de la France tient à peu de choses.
Qu’on se rappelle qu’à la suite du partage de Verdun (843) , elle n’était qu’un royaume à la périphérie du Saint Empire. Menacée à l’Ouest par l’Angleterre, à l’Est par l’Empire, la France n’a dû sa survie qu’à la volonté tenace d’une famille, les Capétiens.
Ces efforts conduiront enfin sous le règne de Saint Louis à l’officialisation par la papauté de l’indépendance effective du royaume face à l’Empire.

La bataille décisive de Bouvines est là pour nous rappeler que l’indépendance de notre nation fut toujours fragile et mérita tous les efforts de nos chefs.

Cette victoire éclatante, de par son retentissement formidable, doit être classée parmi les « mythes fondateurs » de la nation française. C’est sur un plateau qui domine d’une dizaine de mètres les marécages de Flandres, près de Lille, que s ‘est joué le destin de notre peuple. Pour la première fois depuis l’époque gauloise, une véritable armée populaire, levée par les communes, a réveillé le sentiment national.

1214 : la situation est grave, dramatique même. Lisons ce qu’en dit Jacques Bainville dans son Histoire de France : « Philippe Auguste s’occupait d’en finir avec les alliés que Jean Sans Terre avait trouvé en Flandre, lorsque l’Empereur Othon s’avisa que la France grandissait beaucoup. Une coalition des rancunes et des avidités se forma: le Plantagenêt, l’empereur allemand, les féodaux jaloux de la puissance capétienne, c’était un terrible danger national. »

Les coalisés espéraient broyer la puissance franque. Jean Sans Terre devait débarquer en Poitou et marcher sur Paris par le Sud. Au Nord s’avanceraient Flamands, Allemands et Hollandais. A l’issue des hostilités, le royaume devait être partagé entre les vainqueurs. Paris devait revenir au comte de Flandre.
Averti de ces menaces, Philippe Auguste lève deux armées.

Dès le 2 juillet, Jean sans Terre, dont l’armée constitue la pointe sud de la tenaille est terrassé par le prince Louis à la Roche- au- Moine, en Anjou. Au nord, Philippe Auguste guette les coalisés massés à la frontière du Hainaut. C’est à Bouvines qu’aura lieu le choc décisif .

En face de l’armée franque, les Impériaux, animés par la volonté d’anéantir le royaume.
Un soleil de plomb écrase la plaine et aveugle les Impériaux.
L’Empereur Otton se tient là, dans son armure : un dragon surmonté d’un aigle d’or. Il a juré d’en finir avec la France. Soudain, un silence impressionnant traverse les lignes françaises. Philippe Auguste, au centre de nos troupes, s’adresse aux combattants: « En Dieu est notre espoir, notre confiance. Le roi Otton et son armée ont été excommuniés… Ils sont les ennemis de la religion. »

Notre général en chef est un Frère Hospitalier, vêtu de la tunique rouge croisée de noir. Puis, les trompettes crachent leur musique de mort.

Enfin les deux masses d’hommes se heurtent.
La bataille est longtemps indécise.
Les contingents des communes lâchent pied devant l’infanterie teutonique, Philippe Auguste est même jeté à bas de son cheval avant d’être délivré par des chevaliers francs.

Le sort de la bataille sera finalement dû à la fougue et au courage de la chevalerie franque, qui trace des sillons de sang dans les rangs impériaux.
« On les vit à plusieurs reprises, par escadrons massifs, comme un énorme projectile, traverser de part en part les rangs ennemis. » (Funck-Brentano, le Moyen-Age).

Enfin, la victoire tant espérée se profile.
Otton s’est enfui, les Impériaux sont défaits.
Le nombre de prisonniers est considérable.
L’enthousiasme dans le royaume est énorme. Jamais on n’oubliera le soleil de Bouvines.

Jean Dartois

[tiré de L’Héritage n°1]