L’« Histoire passionnée de la France » de Jean Sévillia

Éd. Perrin, 559 p., 2013 ; éd. Pocket (poche), 492 p., 2015.

[Rappel : les recensions de livres sont à considérer comme des tribunes libres]

À 64 ans, Jean Sévillia est un auteur et un journaliste très prisé dans les milieux conservateurs catholiques. […]

Au risque de déplaire aux bobos cathos, nous déconseillons l’achat et la lecture de ce piètre bouquin au titre trompeur. Si vous aimez la France et son histoire, passez votre chemin. Ce livre n’est pas pour vous !

Pavé de 500 pages, cette Histoire passionnée de la France n’est qu’une x-ième  histoire de France politiquement correcte avec un vernis catho-conservateur des plus minces… On a peine à croire que tant d’acteurs de la mouvance dite nationale se soient crus obligés d’encenser un tel ouvrage !

Écrire un livre sur l’histoire de France nécessite de faire un tri dans les événements que l’on va relater. Il est impossible de raconter entièrement 1 500 ou 2 000 ans d’histoire en 500 pages. L’historien se doit de faire une sélection des éléments les plus importants, les plus significatifs de l’histoire nationale pour construire son livre. Ce premier travail est forcément orienté politiquement. Avant même la narration proprement dite, le choix de parler de tel ou tel événement et pas d’un autre, révèle grandement la pensée de l’auteur. A ce sujet on notera que Monsieur Sévillia dans son premier chapitre nous afflige en parlant de l’homme de Cro-Magnon, de l’homme de Néandertal, de l’Homo Erectus vieux de 450 000 ans et autres billevesées évolutionnistes.

Jean Sévillia n’a vraiment pas une approche catholique de l’histoire de France. Pour lui, à l’instar des « historiens » gauchistes, la France n’est pas née avec le baptême de Clovis : « Au VIe siècle, la France n’existe pas ! » Mais Monsieur Sévillia est de droite, il ne peut faire débuter la France en 1789 comme ses petits camarades de gauche. Non, pour lui la France naît quelque part entre les Capétiens et la Guerre de Cent ans…

Tout le bouquin est du même tonneau. La bataille de Poitiers est torchée en trois lignes pour nous dire qu’elle n’a pas eu l’ampleur que lui a donnée la légende.

La figure de Du Guesclin est évoquée sur une seule page, l’épopée de Jehanne d’Arc sur deux, mais, en revanche, Jean Sévillia nous gratifie de sept pages sur le pitoyable Valéry Giscard d’Estaing (pour, en plus, nous en dire du bien).

Sévillia évoque la St Barthélémy et la responsabilité des catholiques sans parler un instant de la multitude des massacres, destructions et profanations dont les Huguenots se sont rendus coupables à travers toute la France. Bravo pour un catho !

Si Jean Sévillia critique la Révolution française, c’est toujours avec modération et sur les trente pages qu’il accorde à cette période, il commet l’exploit de ne jamais citer la franc-maçonnerie et son action… Les guerres de Vendée tiennent sur un peu plus d’une page et les autres soulèvements contre-révolutionnaires ne sont même pas mentionnés.

À la manière des francs-maçons de droite, Jean Sévillia semble être un fan de Napoléon à qui il accorde pas moins de 42 pages. Il tempère toutefois son propos pour avouer que Napoléon était un petit peu dans la « démesure ».

Il traite de la Commune sur trois pages (plus que pour Jehanne d’Arc) sans dire un mot sur la forte implication maçonnique de cet épisode. En revanche, un peu plus loin, page 355, il raille l’existence d’un « mythe du complot maçonnique », ce qui est très révélateur de la pensée de ce monsieur.

D’ailleurs, sur les cinq pages qu’il octroie au funeste Jules Ferry, il omet bien évidemment de dire qu’il était franc-maçon, information pourtant capitale afin de comprendre pourquoi ce monsieur s’est acharné à combattre l’Eglise et à déchristianiser la France !

C’est donc sans réelle surprise que Jean Sévillia attaque violemment Edouard Drumont sans expliquer le contexte de l’époque alors qu’il le fait pour dédouaner Jules Ferry concernant ses propos sur les « races inférieures ».

Le socialiste Jean Jaurès obtient deux pages très complaisantes. Les dix-huit pages concernant la 1ère Guerre Mondiale ne sortent pas des sentiers battus. Pas un mot sur la volonté de détruire le dernier empire catholique des Habsbourg, il accrédite la thèse farfelue de l’attentat de Sarajevo.

Concernant la 2e Guerre Mondiale, la narration reste bien entendu très convenue. La réoccupation de la Ruhr et l’affaire des Sudètes sont bien évidemment des « provocations » nazies. Pas un mot sur la responsabilité du Traité de Versailles. « L’Angleterre et la France n’ont pas d’autre solution que de déclarer la guerre à Berlin » (sic!). Le gouvernement de Vichy ne fut qu’une « dictature personnelle » au bénéfice du Maréchal Pétain… S’ensuit une série  de pleurnicheries sur le statut des Juifs et sur la déportation. Le Général De Gaulle est porté au pinacle. Seul point positif, Jean Sévillia nous épargne les habituels récits sur les camps de la mort même s’il souscrit totalement à la version officielle.

Sa vision de la guerre d’Algérie est également scandaleuse. Il a une vision très gaulliste du drame. La trahison de De Gaulle vis-à-vis des Français d’Algérie est qualifiée de « malentendu » !

Le récit de Mai 68 tient sur quatre pages. Il ne contient ni analyse politique, ni mise en perspective. Il n’a aucun intérêt.

Monsieur Sévillia se livre à une apologie de Georges Pompidou, le larbin de la Banque Rothschild, sur sept pages. Il ne parle pas de la prise en main par les banques privées de la création monétaire avec la loi Pompidou-Rothschild, ni de l’immigration de masse qui se met en place à cette époque à la demande du gros capital.

Sur les sept pages qu’il accorde à la présidence de Giscard, il n’y a pas un mot sur le regroupement familial, la délivrance de la pilule, la légalisation de l’avortement, la facilitation du divorce, etc. ! Qu’on se le dise, Jean Sévillia est un super catho !

Sur les autres présidents de la Ve république : Mitterrand, Chirac et Sarkozy, Jean Sévillia nous livre une logorrhée droitarde, politiquement correcte et sans aucun intérêt.

La conclusion de l’auteur est pitoyable : aimer son pays c’est l’accepter comme il est avec sa diversité, ses croyances, ses nombreuses ethnies, etc.

Bref, la France de Jean Sévillia n’est ni blanche, ni catholique. Ce n’est pas la nôtre !

Paul THORE

[tiré de L’Héritage n°10]